Parfum iconique : Opium d’Yves Saint Laurent
Le légendaire parfum Opium d’Yves Saint Laurent résonne comme une ode à l’émancipation de la femme de la fin des années 70 et annonciateur d’une nouvelle génération de parfums pendant toute la décennie des années 80. Un parfum provoquant à l’image de son créateur.
Yves Saint Laurent, designer provocateur
Né à Oran en Algérie en 1936, Yves Saint-Laurent s’intéresse assez vite à la couture. A 18 ans, il arrive à Paris pour prendre des cours de dessin à la Chambre Syndicale de la Haute Couture, où son talent le rend célèbre en seulement 3 mois. Christian Dior le remarque et le nomme modéliste. Après la mort de ce dernier, Saint Laurent poursuit le travail de son mentor, reprenant ainsi la direction de la Maison Dior.
Génie incontesté, Yves Saint Laurent ouvre sa propre maison de couture en 1962 avec l’aide de son ami Pierre Bergé. Déterminé, le couturier vit alors l’apogée de ses premières heures et le nom Yves Saint Laurent devient un incontournable de la mode.
Provocateur dans l’âme, il casse les codes et fait de son savoir-faire une expression artistique du féminisme en lançant une collection puisée dans l’univers vestimentaire des hommes. Le tailleur-pantalon donne dorénavant l’opportunité aux femmes de porter un pantalon au travail. La veste Saharienne, est détournée du vestiaire de la chasse pour en faire un indispensable de sa collection. Avant-gardiste, il ose faire du smoking un vêtement pour femme asseyant son aura dans le monde de la mode.
Cependant dès la fin de l’année 1976, la presse parle de sa trop grande disparition des médias et les magazines préparent déjà des rétrospectives à son sujet, comme s’il allait bientôt mourir.
Mais M. Saint Laurent ne fait qu’écrire sa légende, et en réponse à cet acharnement, il lance avec un succès sans précédent ce jus narcotique au nom transgressif : Opium.
Opium d’Yves Saint Laurent
Contexte de sa sortie
En 1977, sous la direction artistique de Chantal Roos, Yves Saint Laurent propose une version modernisée des parfums orientaux délaissés depuis les années 40. Opium est un coup d’éclat olfactif et marketing prônant l’émancipation de la femme, affirmant de plus en plus sa féminité.
Le couturier souhaite créer une fragrance luxueuse et imagine un flacon à contre-courant de ce qui se faisait jusqu’alors.
Pour le flacon, Pierre Dinand innove en glissant une flasque en verre dans un fourreau de plastique ambré, inspiré des étuis inrô que les samouraïs utilisaient pour stocker les épices, les herbes médicinales et l’opium. 1 Il l’orne d’un pompon de soie noire d’inspiration Napoléon III mis à l’honneur dans la collection d’Yves Saint Laurent du moment.
« C’était un objet complètement révolutionnaire, à mille lieues des bouteilles traditionnelles en verre« , »C’est une période où Yves Saint Laurent est vraiment dans l’expression la plus riche, la plus complète, la plus intense de son art« , note Yann Andrea (International Marketing Director YSL Fragrances 2010-2014)
Opium concrétise la fascination qu’Yves Saint Laurent a de l’orient.
Vendu en moyenne 30% plus cher que ses concurrents, le parfum est un succès tel que les détaillants français se retrouvent en rupture de stock rapidement. C’est le coup de force marketing visant à renforcer son prestige et son attractivité.
En 1978, le slogan publicitaire est retravaillé pour le marché américain. « Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent » devient plus sage, certains diront trop prude « Opium, for those to whom Saint Laurent is a habit ». (« trad: Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent. »
Opium est immédiatement remarqué faisant du parfum le début d’un mythe. En effet, La fête du lancement a lieu sur un bateau amarré dans le port de South Street à Manhattan. Précisément là où arrivaient les navires venant d’Asie chargés d’opium. Le message est provocateur, tout comme le couturier.
Opium, l’oriental modernisé
« Si j’ai choisi Opium comme nom pour ce parfum, c’est que j’ai espéré intensément qu’il pouvait, à travers toutes ses puissances incandescentes, libérer les fluides divins, les ondes magnétiques, les accroche-cœurs et les charmes de la séduction qui font naître l’amour fou, le coup de foudre, l’extase fatale…« , écrit Yves Saint Laurent. Transgressif, il veut un parfum sensuel, hyper opulent, extravagant, provocateur, énigmatique et libérateur.
Olfactivement, Opium est largement inspiré de Youth-Dew (1953) d’Estée Lauder (par Joséphine Catapano) et des accords œillet-patchouli de Tabu (1932) de Dana (par Jean Carles). Sa tenue est excellente, Opium a ouvert la voie à une lignée de parfums sensuels et sophistiqués pour des femmes fatales et glamours, annonçant une industrie du parfum décomplexée et exubérante pendant plus d’une décennie.
D’ailleurs, Estée Lauder répondait à Yves Saint Laurent en 1978 (année du lancement américain d’Opium) en créant Cinnabar (par Bernard Chant)…une version revisitée de Youth Dew, très proche d’Opium.
Sous la direction artistique de Jean Amic, Jean-Louis Sieuzac, Raymond Chaillan et Françoise Marin composent ce parfum dense et puissant mais qui garde une justesse tout au long de son évolution.
Il intègre la famille olfactive des orientaux, un ambré floral épicé puissant et capiteux.
Les notes olfactives d’Opium
Un départ fruité de mandarine, pêche et prune s’associe aux aldéhydes pour donner une certaine brillance et du volume à ce cœur opulent.
L’accord œillet piqué de clou de girofle est la star de cette composition. Saupoudré de cannelle, il s’entoure de rose, de jasmin et d’ylang ylang. Ces facettes florales épicées se lovent dans un fond ambré et mystérieux paré de myrrhe, patchouli, vanille, labdnadum, cèdre et santal.
C’est dense et envoûtant, addictif et enveloppant. Les muscs et le castoreum ensauvagent cette fragrance voluptueuse et sensuelle.
C’est un parfum charnel avec beaucoup d’élégance. L’accord œillet-Patchouli est sublimé par un ensemble caractériel et imposant.
Cependant, les reformulations de la fragrance n’ont pas su garder l’essence même du parfum originel, le rendant plus lisse et conventionnel et peut être moins performant, moins provocateur.
Après Opium, l’histoire continue avec les rééditions
Pas moins de 25 flankers (réinterprétations) ont vu le jour depuis la création en 1977 d’Opium.
Des déclinaisons sur la concentration du parfum en eau de toilette, eau de parfum, extrait ou élixir, mais également sur leurs compositions ont vu le jour, en voici quelques exemples :
- Opium pour Homme (1995)
- Opium Fraîcheur d’Orient (1998)
- Opium Fleur de Shanghaï (2005)
- Opium Fleur Impériale (2006)
- Opium Légende de Chine (2007)
- Opium Elixir Voluptueux (2008)
Notons également la création en 2016 de Black Opium près de 40 ans après la sortie d’Opium, par 4 parfumeurs Honorine Blanc, Marie Salamagne, Nathalie Lorson, Olivier Cresp, propulsé au rang de blockbuster commercial.
Black Opium représente, selon la marque, la nouvelle génération d’Opium, provocatrice et rock & roll avec un style faussement décontracté puisque parfaitement maîtrisé. Se voulant rebelle et avant-gardiste à l’image du parfum Opium original, Black Opium dont l’addiction est insufflée par la note café, est décrit comme magnétique et sulfureux.
Et vous, préférez-vous la version initiale d’Opium ou sa réinterprétation Black Opium collant aux standards modernes de ce qui représente l’exubérance ?
Visionnez notre vidéo Master Parfum sur la question du parfum Opium d’Yves Saint Laurent.
Références
1. Les 111 parfums qu’il faut sentir avant de mourir, page 101. Y. Cervi
Crédits photos bannière : https://www.flickr.com/photos/wvfonseca/23827977442