La fleur d’oranger en parfumerie
Cet hiver, vous avez sans doute apprécié siroter de bons jus d’oranges pressées vitaminés pour booster votre immunité. C’est ce que promet le fruit de l’oranger doux, délicieusement doux et acidulé.
Si en parfumerie, on peut trouver une belle essence des zestes de cet oranger doux, c’est surtout l’oranger amer (aussi appelé bigaradier) que l’on met en flacon pour illuminer nos parfums.
De belles essences et absolus sont obtenus avec les rameaux et les feuilles du bigaradier (petit grain) et avec les zestes de ses fruits (trop amers pour être consommées en jus, ils sont très bons en marmelade!). Mais la star de ce petit arbre, c’est sa fleur…
Chez Master Parfums, on fait le point sur cette matière première incontournable aux allures de madeleine de Proust.
Petite histoire de la fleur d’oranger
Le bigaradier est un arbre qui produit des oranges amères ainsi que de jolies fleurs blanches aux pétales charnus et aux étamines d’un jaune lumineux. Difficile de nommer son origine avec certitude : la Chine ? L’Inde ? En tout cas, le Maroc, la Tunisie, et l’Egypte sont aujourd’hui les principaux producteurs de fleurs d’oranger, et une chose est sûre : l’engouement pour ces dernières ne date pas d’hier.
Dès l’Antiquité, on décore les couronnes de mariage de fleurs d’oranger, symboles de pureté et de fertilité. Cette perception perdure et est notamment très forte pendant la Renaissance, tout comme dans la tradition chrétienne : la coexistence de la fleur avec le fruit fait écho à la virginité de la Vierge Marie cohabitant avec l’enfant Jésus qu’elle a porté.
En matière de parfum, les Arabes sont les premiers à fondre pour l’essence de la fleur. Ils la rapportent de leurs voyages en Asie orientale et en obtiennent l’huile essentielle en la distillant à l’aide d’un instrument appelé l’alambic. La présence du bigaradier s’étend dans le reste de l’Empire Islamique et il est introduit en Espagne au IXᵉ siècle, avant d’arriver dans de nouveaux pays européens au XIᵉ siècle.
Au XVIIᵉ siècle, la princesse de Nerola Marie-Anne de La Trémoille craque pour l’essence de la belle au point d’agrémenter ses bains, ses gants, ses vêtements et son palais entier de ses effluves délicats.
On compte également parmi ses fervents admirateurs, Louis XIV qui appelait le bigaradier, le Grand Bourbon. De l’eau de fleur d’oranger est fabriquée à Versailles, car le roi y trouve un remède aux maux de tête dont il souffre depuis sa jeunesse. À la cour, sa senteur apaisante détrône le jasmin et le musc, aux parfums trop capiteux qui ne font pas bon ménage avec les migraines du roi Soleil.
La fleur d’oranger et ses multiples utilisations
Le bigaradier est un arbre généreux : ses fruits, ses fleurs, son bois, ses branches… ont tous quelque chose à offrir ! Les rameaux et feuilles produisent l’essence et l’absolu de petit grain, le zeste des fruits, une huile essentielle, les fleurs une huile essentielle, un hydrolat et un absolu.
La floraison a lieu de mars à mai selon les régions, et on récolte les fleurs encore en boutons le matin. Les poches d’huile essentielle sont encapsulées au sein des épais pétales de la fleur. Une bonne cueilleuse ramasse en moyenne 10 kg de fleurs par jour sur une récolte qui dure environ 1 mois. Les fleurs sont traitées dans la soirée et selon la méthode d’extraction utilisée, des produits différents aux couleurs olfactives distinctes s’offrent à nous.
- L’hydrodistillation permet d’obtenir de l’huile essentielle de fleur d’oranger, aussi appelée néroli. Cela vous dit quelque chose ? Bingo ! C’est bien la princesse de Nerola mentionnée plus haut qui l’a rebaptisée ainsi en hommage à sa terre natale. En Europe, le néroli nous évoque la peau de bébé car cette essence douce et apaisante en parfume leurs produits de toilette.
- Apportant une facette florale orangée et verte à la vivacité de ses cousins agrumes, le néroli est aussi l’un des protagonistes principaux des eaux de cologne.
- Outre l’huile essentielle, l’hydrodistillation permet aussi de recueillir de l’eau florale ou hydrolat de fleur d’oranger, aussi bien star des cosmétiques que de nos pâtisseries favorites.
- L’extraction aux solvants volatils permet quant à elle de révéler de l’absolu de fleur d’oranger aux notes onctueuses, fruitées, miellées, et animales, bien plus chaudes et capiteuses que celles de son frère de sang, le néroli.
Il faut une tonne de fleurs pour obtenir un kilo de néroli ou d’absolu de fleur d’oranger et un kilo de chacun de ces produit coûte entre 3000 et 6000€.
Quelques exemples de parfums autour de la fleur d’oranger
Il y en a pour tous les goûts !
- Narcisse Noir (1911) de Caron est obscur et insaisissable : la fleur d’oranger y est sombre, animale. Elle côtoie le narcisse et surtout, le bois de santal. Lors de sa reformulation dans les années 2000, le parfum s’assagit et troque son côté charnel contre une fleur d’oranger plus lisse et feutrée.
- Dans la tonalité opposée, la collection Aqua Allegoria de Guerlain présente Passiflora (2018) : Thierry Wasser mêle fruit de la passion, ylang-ylang et fleur d’oranger à des notes aquatiques évoquant les eaux cristallines d’une lagune.
- En 2015, La Fille de l’Air de Courrèges déroule le tapis rouge au bergamotier en utilisant néroli, absolu de fleur d’oranger et petit-grain (une essence recueillie à partir des branches et des feuilles de l’arbre). C’est une fragrance ronde et aérienne avec un surprenant accord de néoprène.
- Gabrielle (2017) de Chanel est un parfum pour femme au magnifique cœur floral dans lequel se nichent une fleur d’oranger lumineuse, du jasmin et de l’ylang-ylang ainsi qu’une tubéreuse crémeuse. Rappelons au passage que le néroli est également une note de tête du cultissime Chanel N°5 !
- Chez Serge Lutens, avec Fleurs d’Oranger (2003), la fleur rayonne aux côtés du jasmin d’Égypte et de la rose blanche auxquelles vient s’ajouter une pointe épicée de muscade et de cumin.
- Dans le registre tonique, faites place à l’eau de toilette Eau des Sens (2016) de Diptyque. Olivier Pescheux marie fleur d’oranger, orange amère, baies de genièvre et gingembre dans ce délicieux cocktail aromatique.
- D’humeur voyageuse? Flamenco Néroli de L’Orchestre Parfum (2017) nous emmène en balade musicale à Séville, la ville aux 40 000 orangers, guidés par les arpèges subtils d’une guitare flamenca. Un néroli tendre, lumineux et vibrant réchauffé par le bois de l’instrument.
- Vous la préférez gourmande ? Guimauve de Noël (2016) de Parle-Moi de Parfum a la solution : allier la fleur d’oranger à de la poudre de sucre vanillé.
Tantôt fraîche et pétillante, tantôt caresse chaude et enveloppante et bien plus encore, la versatilité de la fleur d’oranger a conquis le cœur des parfumeurs au point de devenir un de leurs ingrédients fétiches.
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