Il est rare qu’une fragrance transcende le temps pour rester gravée dans la mémoire collective. C’est le cas de Youth Dew, la perle précieuse d’Estée Lauder. Depuis son introduction sur le marché, elle a séduit des générations par sa complexité et son charme envoûtant.
Cet article vous invite à redécouvrir cet élixir, la remarquable gestion marketing qu’Estée Lauder a mise en place et à comprendre pourquoi, après tant d’années, il demeure l’un des joyaux de la parfumerie mondiale.
Estée Lauder : une marque, une créatrice
Le monde de la beauté est emprunt d’histoires inspirantes, mais celle d’Estée Lauder est exceptionnelle. Née en 1908, Estée Lauder, de son vrai nom Joséphine Esther Mentzer, a grandi à New York dans un environnement modeste.
Avec ses racines hongroises et tchèques, elle s’est immergée très jeune dans l’univers des cosmétiques grâce à son oncle chimiste, qui lui a transmis sa passion pour les formulations beauté.
En 1946, le rêve devient réalité. Avec une foi inébranlable en sa vision, Estée, accompagnée de son mari Joseph, a fondé la marque Estée Lauder. Elle ne se contentait pas de vendre des produits, elle vendait une expérience. Ses démonstrations personnelles, où elle conseillait les femmes sur leurs routines de soins, ont rapidement fait sensation.
Elle croyait dur comme fer que « chaque femme peut être belle« , et c’est cette conviction qui a été le pilier de sa marque.
Estée Lauder a introduit des parfums qui ont non seulement reflété les tendances olfactives de leur époque, mais qui ont aussi, à bien des égards, défini celles à venir. Son approche visionnaire de la parfumerie a concrétisé la réputation de la marque comme une force innovante et influente, faisant d’Estée Lauder non seulement une icône de la cosmétique, mais aussi une légende du monde du parfum.
Contexte historique du parfum Youth Dew
Le milieu du XXe siècle est une époque d’innovations, de transformations sociales et d’expression individuelle. C’était également une période de révolution dans l’univers de la parfumerie, où les parfums devenaient des déclarations d’identité et des symboles de féminité.
Lorsqu’Estée Lauder a introduit Youth Dew en 1953, le paysage parfumé était dominé par l’idée traditionnelle que le parfum était un luxe offert par les hommes aux femmes en signe d’affection ou d’admiration. Estée Lauder, avec sa forte perspicacité, a repéré une opportunité unique. Elle a réalisé que si le parfum était reformulé et commercialisé différemment, il pourrait devenir un bien que les femmes choisiraient et achèteraient elles-mêmes pour elles-mêmes.
Ainsi est née l’huile de bain Youth Dew1. Plus qu’une simple huile parfumée, elle était conçue comme un acte d’émancipation féminine. Au lieu d’attendre qu’un parfum lui soit offert, une femme pouvait maintenant se dorloter avec cette huile riche et sensuelle, s’offrant à elle-même une expérience luxueuse abordable à 8 dollars le flacon. Sa formulation concentrée permettait de l’utiliser à la fois comme huile de bain et comme parfum, ce qui en faisait un produit polyvalent.
L’impact culturel de Youth Dew ne peut être sous-estimé. Il a non seulement bouleversé les conventions marketing de l’industrie de la parfumerie, mais a également reflété et amplifié une tendance croissante vers l’indépendance et l’autonomie féminine de cette époque. En re-définissant ce qu’un parfum pouvait être et comment il pouvait être porté, Youth Dew est devenu non-seulement un parfum emblématique, mais également un symbole d’une époque en pleine mutation.
Joséphine Catapano, la parfumeure derrière Youth Dew
Née en 1918, Joséphine Catapano est reconnue comme l’une des parfumeures les plus talentueuses du 20ème siècle. Après avoir débuté sa carrière chez Elizabeth Arden, elle a ensuite travaillé pour de prestigieuses maisons, faisant d’elle une figure respectée dans l’industrie.
Sa collaboration avec Estée Lauder dans les années 1950 reste l’une des plus mémorables de sa carrière. Ensemble, elles ont conceptualisé Youth Dew.
A une époque où l’on ne porte globalement que du parfum français, Estée Lauder aspirait à créer une huile de bain parfumée que les femmes pourraient se permettre d’acheter pour elles-mêmes.
Joséphine Catapano a su transformer cette idée en un parfum emblématique illustrant ainsi la vision révolutionnaire de Lauder et son génie créatif.
Joséphine Catapano a laissé une empreinte indélébile dans l’univers de la parfumerie, et Youth Dew demeure l’une des pierres angulaires de son riche héritage.
Youth Dew ou la sensualité intemporelle
Depuis plus de cinquante ans, Youth Dew fait battre le cœur des amoureux de parfums. Cet élixir à su traverser les décennies avec une grâce intemporelle.
Dès les premiers effluves, l’opulence de la rose se mêle à la fraîcheur de la jonquille, évoquant l’image d’un jardin baigné de rosée matinale. Le narcisse donne une touche florale légèrement verte et poivrée, en parfaite harmonie avec la fraîcheur camphrée de la lavande qui, telle une brise légère, ajoute une dimension aromatique qui équilibre parfaitement la richesse des fleurs. L’orange et la pêche ajoutent une douceur fruitée, mais le plus surprenant est cette nuance presque effervescente de caramel liquoreux rappelant le Coca-cola, qui apporte une originalité gourmande, presque régressive à l’ensemble.
Au cœur du parfum, le jasmin déploie sa sensualité, enveloppant les sens dans un voile blanc et intense. Il danse délicatement avec le muguet, cette fleur fragile qui évoque la tendresse des premières journées printanières. Puis, instantanément, une touche épicée de cannelle et de clou de girofle vient réchauffer et twister l’ensemble, insufflant une chaleur envoûtante à la composition.
Mais c’est véritablement le fond de la fragrance qui révèle toute sa complexité. La mousse de chêne, évoque une forêt dense ajoutant une profondeur sombre de sous-bois. Cette base est renforcée par le vétiver, dont les nuances terreuses, boisées et légèrement fumées s’entrelacent à la richesse balsamique du patchouli. L’encens et les baumes dégagent une aura enveloppant les sens d’une douceur résineuse et légèrement vanillée.
C’est un parfum catégorisé par la marque dans la famille olfactive des ambrés épicés. Mais on y perçoit aussi une structure chypré en filigrane.
Le résultat ? Un sillage mémorable, à la fois puissant, subtil et captivant.
C’est une histoire olfactive, une épopée qui, à chaque vaporisation, invite à un voyage sensoriel magnétique et opulent.
Chaque note joue son rôle, créant une histoire qui évolue magnifiquement sur la peau, laissant derrière elle une impression indélébile d’élégance et de mystère. Une fragrance opulente dont le sillage est signe d’affirmation, d’émancipation, voire de désinvolture, dans une époque où la femme, cherchant sans cesse à s’affirmer, y trouve une arme au charme irrésistible.
Le mot d’Anne-Laure, créatrice de Master Parfums
Cette fragrance de couleur ambrée se love dans un flacon extrêmement féminin: une robe drapée serrée à la taille qui n’est pas sans rappeler les modèles new-look de Christian Dior.
Pour la publicité, Estée Lauder innove et provoque avec un visuel plutôt osé pour l’époque : une femme nue de dos, joliment floutée, prête à prendre son bain.
Pour découvrir le parfum en point de vente, point de mouillette ou de céramique.
Estée Lauder voulait que son produit soit accessible à toutes: le flacon ne devrait pas être scellé, comme le faisaient les autres marques. Ainsi les clientes pourraient le sentir librement. Elle savait qu’elles s’en mettraient sur les mains et qu’ainsi elles pourraient le sentir plusieurs heures après sur leur peau.
Devant le succès incroyable de cette huile, elle décida de lancer aussi le parfum en même temps qu’une gamme complète de produits comme des poudres, savon, et lotions…
Un succès qui s’exporta en Europe un peu plus tard. Un directeur de grand magasin français aurait exprimé des doutes quant à la réussite d’un parfum américain en France. Ce qui ne fit que renforcer la détermination de la créatrice. On raconte même qu’elle aurait intentionnellement laissé tomber un flacon de Youth Dew dans le magasin attirant ainsi l’attention d’une foule de curieux!
Youth Dew est une célébration de l’indépendance féminine, un symbole de la beauté éternelle et un chef-d’œuvre olfactif. Chaque goutte raconte l’histoire d’une femme qui a osé défier les normes et a changé la vision du monde de la parfumerie pour toujours, allant même être une inspiration pour Opium d’Yves Saint Laurent, qui arrivera quelques années plus tard.
“L’odorat, le mystérieux aide-mémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde.” Vous avez très probablement déjà fait l’expérience de cette merveilleuse phrase de Victor Hugo : notre cinquième sens a en effet le pouvoir de faire remonter à la surface un flot d’émotions et de souvenirs, des souvenirs dont certains avaient parfois commencé à prendre la poussière… C’est précisément sur les liens étroits entre notre nez et nos émotions que se base l’olfactothérapie, une pratique que Master Parfums vous propose aujourd’hui de découvrir.
Odorat et émotions : une relation privilégiée
Saviez-vous que l’odorat était le seul de nos sens à être anatomiquement relié à nos émotions et nos souvenirs ? Pour mieux comprendre cette relation, il faut retracer le chemin que prend une odeur lorsqu’elle vient chatouiller notre nez.
Les composants chimiques d’une odeur entrent en contact avec notre muqueuse olfactive, située tout en haut de notre cavité nasale. Cette muqueuse, constituée de millions de neurones olfactifs, a pour mission de transformer ces composants en un message nerveux qui pourra ensuite être décrypté par notre cerveau. La muqueuse est en communication directe avec le bulbe olfactif qui reçoit ce message, puis, cap sur deux systèmes différents.
D’un côté, il y a le système conscient grâce auquel nous sommes capables d’identifier les odeurs, de les nommer et de les différencier. De l’autre, il y a le système limbique, la zone de notre cerveau gérant nos émotions (à travers l’amygdale) et nos souvenirs (à travers l’hippocampe).
Prenant en compte cette proximité physique et neurologique entre odorat et émotions, il n’est pas étonnant que notre mémoire olfactive soit la plus résiliente de toutes. Notre système limbique ne se contente pas de générer des émotions passagères, il garde aussi une trace des associations d’odeurs et d’émotions dont nous faisons l’expérience au long de notre vie. Une faculté incroyable, mais à double tranchant : si les effluves de la vanille vous donnent instantanément le sourire aux lèvres, vous rappelant cette glace que vous dégustiez tous les étés, insouciant et haut comme trois pommes, d’autres senteurs pourraient vous renvoyer à des souvenirs bien moins agréables. Une union pour le meilleur comme pour le pire !
Avant de définir plus précisément l’olfactothérapie, il est important de la distinguer d’autres disciplines liées aux odeurs avec lesquelles on la confond parfois.
Olfactothérapie vs aromathérapie et aromachologie
L’aromathérapie a pour but de traiter des problèmes physiques, par exemple, un mal de tête persistant ou des douleurs musculaires, et s’appuie pour cela sur les vertus pharmacologiques de différentes huiles essentielles. De son côté, l’aromachologie est la science se penchant sur la façon dont les odeurs se répercutent sur notre humeur et nos actions.
Mais s’il y a bien une différence entre l’olfactothérapie et l’aromathérapie, elles ne sont pourtant pas si éloignées l’une de l’autre : l’olfactothérapie est en fait une branche de l’aromathérapie, celle qui aide à cicatriser des maux psychologiques et non physiques, mais qui n’en sont pas moins réels.
L’olfactothérapie, quésaco ?
L’olfactothérapie voit le jour en 1992 lorsqu’elle est développée par le thérapeute et somatologue Gilles Fournil, avant qu’il ne commence à l’enseigner trois ans plus tard. Il s’agit d’une thérapie psycho-émotionnelle consistant à stimuler notre odorat et à exploiter sa relation avec notre mémoire afin de nous libérer de certaines barrières émotionnelles : on peut vouloir débrider une émotion réprimée ou au contraire en réfréner une autre, raviver un souvenir lointain ou faire en sorte qu’un autre ne nous pèse plus autant.
La méthode de Gilles Fournil
La méthode de Fournil se base sur un kit composé de seize huiles essentielles soigneusement sélectionnées par le thérapeute, parmi lesquelles on compte le cèdre de l’Atlas, la myrrhe ou encore le jasmin. Après avoir senti ces huiles une à une, on demande au patient de les classer de celle qu’il a préférée à celle qu’il a le moins aimée. Le travail de l’olfactothérapeute se fait ensuite autour de l’huile essentielle en tête de liste et en fin de liste, cette dernière étant souvent révélatrice d’un blocage psychologique. L’objectif ? “Le travail est réussi quand l’odeur ne dérange plus le consultant. Et 7 fois sur 10 à la fin d’une séance, l’odeur qui était non aimée devient pacifiée. Tout est une question de perception” explique lui-même Gilles Fournil.
Le but est donc de transformer la charge négative révélée par les odeurs que le patient rejette en une charge pas forcément positive, mais en tout cas, neutre, parfois au cours de plusieurs séances. Au-delà d’une odeur, c’est surtout une émotion ou une croyance négative que l’on apprivoise.
Avec le succès grandissant de l’olfactothérapie, de plus en plus de thérapeutes décident de se former à sa pratique.
Applications de l’olfactothérapie
Les applications de l’olfactothérapie sont nombreuses : qu’il s’agisse d’aider des patients en soins palliatifs, sortant d’un coma ou en proie à un traumatisme, l’olfactothérapie peut être bénéfique partout où il est question d’apaiser notre mental.
À l’hôpital Raymond-Poincarré de Garches et à la Pitié-Salpêtrière, l’aromachologue et olfactothérapeute Patty Canac vise à stimuler le langage des patients après un traumatisme crânien ou un AVC. On lui doit une méthode de thérapie olfactive nommée Olfarom incluant des huiles essentielles naturelles, mais aussi des parfums de synthèse ayant pour objectif de rappeler aux patients des senteurs de la vie de tous les jours comme celles du chocolat, du gaz ou encore du crayon à papier.
Olfactothérapie et mémoire
Pour les personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer et d’autres troubles de la mémoire, l’olfactothérapie ouvre un fabuleux champ des possibles. On peut stimuler la mémoire d’un patient à travers des odeurs autrefois familières, liées à son parcours de vie. Imaginons un patient ayant vécu en Provence : un travail autour de l’huile essentielle de lavande peut potentiellement faire resurgir des images et des moments de son vécu auparavant oubliés. Le fameux concept de “madeleine de Proust” que l’on emploie si souvent dans le monde du parfum n’a jamais eu autant de sens !
Olfactothérapie et anosmie
Pandémie de Covid-19 oblige, une autre finalité de l’olfactothérapie ayant gagné en popularité ces dernières années est celle visant à la rééducation olfactive de personnes ayant perdu l’odorat (anosmie) et le goût (agueusie). Être privé des plaisirs générés par ces sens peut être difficile à vivre… Et que dire du risque d’accidents qui est décuplé lorsque notre nez ne tire plus la sonnette d’alarme face à un ingrédient avarié ou une odeur de brûlé ?
Bonne nouvelle : l’exposition répétée à des odeurs pourrait favoriser la régénération de la muqueuse olfactive et restaurer les connexions entre les neurones nous permettant de sentir le monde dans lequel nous vivons. Une piste prometteuse, et d’autant plus précieuse du fait qu’il n’est pas toujours possible de traiter l’anosmie par une prise de médicaments. À l’Université de Nice, on travaille à mettre en place des protocoles pour rééduquer le nez des personnes ayant gardé des séquelles de la Covid.
En France, sous l’impulsion de Mme Véronique Le Lan, orthophoniste et formatrice, experte en troubles olfacto-gustatifs, de nombreux orthophonistes traitent aujourd’hui leurs patients souffrant de troubles olfacto-gustatifs, notamment post-covid, en intégrant à leur protocole les crayons parfumés et les cartes du Livre-Jeu Olfactif Master Parfums. (photo de l’article qui est en carrousel sur le site MP)
Un avant-goût d’olfactothérapie… chez vous !
On peut entraîner son odorat chez soi, en sentant à l’aveugle les odeurs qui nous entourent, alors, à vos tiroirs ! Envie d’aller plus loin ? Stimulez votre cinquième sens avec le jeu olfactif Master Parfums et ses crayons parfumés, un jeu qui a été reconnu par des orthophonistes comme bénéfique dans le cadre d’une thérapie olfacto-gustative.
Ah, la figue ! Ce fruit charnu et sucré, aux nuances douces et subtiles, évoque non seulement les plaisirs gustatifs, mais aussi une richesse olfactive variée. Allons au cœur de la figue et de son environnement, explorons son rôle fascinant et découvrons certains classiques de l’univers de la parfumerie.
Les variétés de figue, culture et histoire
On connaît la figue comme étant le fruit du figuier, un arbre qui appartient à la famille des Moraceae. En réalité, la figue est une fleur inversée, contenant de nombreuses petites fleurs qui une fois fécondées donneront des fruits, ces petits grains qui croquent sont nos dents!
Le figuier est l’un des plus anciens arbres fruitiers cultivés par l’homme. On estime que sa domestication remonte à plus de 11 000 ans. Des traces archéologiques de figues domestiquées datant d’environ 9 400 av. J.-C. ont été découvertes à Gilgal I.
Cette découverte suggère que le figuier pourrait être le tout premier arbre fruitier domestiqué, avant même la domestication des céréales comme l’orge et le blé.
Les figues traditionnelles sont essentiellement cultivées dans des zones possédant un climat méditerranéen. Leur culture trouve ses racines au Proche-Orient, spécifiquement en Turquie et en Syrie. Le bassin méditerranéen, européen et maghrébin, est au cœur de la tradition de la culture de la figue. Le Moyen-Orient notamment l’Iran est également bien établi en tant que producteur de figue. La Californie est devenue un producteur majeur depuis l’introduction de la figue par les missionnaires espagnols.
Le monde de la figue est vaste et diversifié, avec plus de 750 variétés réparties aux quatre coins de la planète. Parmi elles, la figue Bourjassotte noire, la figue de Solliès, et la figue blanche sont des incontournables, offrant chacune des caractéristiques gustatives et olfactives uniques.
Quant à la figue de Barbarie, c’est un fruit issu du cactus Opuntia, présent dans les zones arides des Amériques, la Méditerranée et l’Afrique du Nord. Malgré son nom, elle n’a pas de lien direct avec la figue traditionnelle.
Extraction de l’odeur de la figue
L’extraction des odeurs est un art délicat, combinant des méthodes traditionnelles et modernes pour capturer l’essence de la matière première. Dans le cas de la figue, le processus est particulièrement complexe. Bien que le fruit soit généreusement parfumé, sa délicatesse fait qu’il ne dégage pas une odeur suffisamment forte pour être extraite par des techniques traditionnelles telles que la distillation ou l’enfleurage, comme on le ferait avec des fleurs ou des résines.
La chimie au service de la parfumerie
La magie des parfums ne réside pas uniquement dans les ingrédients naturels, mais aussi dans la capacité des experts à jouer avec la chimie pour reproduire des senteurs spécifiques. Si on essayait de capturer l’odeur de la figue directement de la nature, le rendu pourrait être différent de nos attentes. Mais grâce à des techniques modernes, les parfumeurs disposent d’outils pour recréer l’essence même de la figue, de la fraîcheur verte de ses feuilles à sa douceur sucrée.
Ces outils sont en réalité des composés chimiques spécifiques, des molécules, qui une fois combinés, peuvent évoquer une image, une sensation ou un souvenir précis.
Pour la figue, il ne s’agit pas simplement de reproduire son fruit juteux, mais aussi la sensation du soleil chauffant sa peau, l’ombre rafraîchissante de ses feuilles, et même la chaleur boisée de son tronc.
Grâce à ces innovations, nous avons accès à des parfums qui non seulement évoquent la figue de manière plus fidèle et variée, mais qui peuvent aussi aller au-delà de nos perception en proposant des combinaisons inédites.
Ces molécules sont mélangées dans des proportions variées pour obtenir la nuance souhaitée de la figue, qu’il s’agisse de la feuille verte du figuier, du fruit sucré, ou du bois de l’arbre. Il est à noter que la création d’une note de figue réaliste et multifacette nécessite souvent une combinaison complexe de plusieurs de ces composants.
L’importance du naturel et du synthétique
Bien que les méthodes synthétiques soient souvent utilisées pour recréer l’odeur de la figue, cela ne signifie pas que leurs qualités seraient inférieures. En fait, elles peuvent offrir une plus grande longévité et une meilleure diffusion d’un parfum. Cependant, l’utilisation d’ingrédients naturels, lorsqu’il est possible, peut apporter une profondeur et une complexité inégalées.
La capture de l’odeur de la figue en parfumerie est une fusion entre science et art. Une quête pour saisir l’éphémère et le traduire en une expérience olfactive durable.
Des fragrances multi-facettes : la figue sous toutes ses formes
Le figuier est un trésor olfactif, pas seulement à travers son fruit, mais également à travers ses feuilles et son bois. Ensemble, ils forment un triptyque de senteurs qui a su inspirer de nombreux parfumeurs.
Le fruit – la figue elle-même : Sa chair juteuse et charnue offre un bouquet doux et sensuel, légèrement sucré, avec une nuance crémeuse presque lactonique. Dans un parfum, elle peut évoquer un sentiment de nostalgie, rappelant les étés passés sous le soleil méditerranéen. Sa senteur est à la fois subtile et enveloppante, faisant de la figue un choix privilégié pour les parfums fruités sans être trop sucrés.
La feuille de figuier : Si vous avez déjà froissé une feuille de figuier entre vos doigts, vous reconnaissez sa senteur verte, fraîche et presque crue. Elle évoque l’ombre sous l’arbre pendant les chaudes journées d’été, une évasion instantanée vers des lieux de détente. En parfumerie, la note de feuille de figuier apporte une dimension verte, légèrement amère et croquante qui peut contrebalancer la douceur sucrée d’autres composants.
Le bois de figuier : Moins commun que les deux premiers, le bois de figuier offre une essence boisée, douce et crémeuse. Il ajoute de la profondeur et de la chaleur à un parfum, rappelant la sensation de l’écorce chauffée par le soleil. Associé à d’autres bois, comme le cèdre ou le santal, il peut renforcer un accord boisé ou adoucir des notes plus puissantes.
Les accords complémentaires : La figue se marie à merveille avec de nombreux autres ingrédients. Elle peut être associée à des notes hespéridées pour une sensation plus pétillante, à des fleurs blanches pour une dimension plus opulente, ou à des résines et des muscs pour un sillage plus sensuel.
Des parfums emblématiques : l’essence de la figue traditionnelle
La figue, avec son aura méditerranéenne, a été utilisée comme note emblématique dans de nombreux parfums. Son odeur délicate, douce et verdoyante évoque à la fois la chaleur des étés passés, la fraîcheur des feuilles luxuriantes d’un figuier, ou la gourmandise d’une tarte aux figues rôties Plongeons-nous dans certains parfums emblématiques où la figue traditionnelle occupe une place centrale.
- Premier Figuier de L’Artisan Parfumeur : créé en 1994 par Olivia Giacobetti. C’est le tout premier parfum qui a mis la figue en vedette, et il reste l’un des plus emblématiques à ce jour. Sa particularité est que la note de figue n’existait pas encore dans l’orgue du parfumeur.
Il s’agit d’une ode à l’arbre de figuier dans sa globalité, évoquant le croquant des feuilles vertes, la douceur lactique du lait de figue et la chaleur boisée de l’arbre. C’est un parfum qui rappelle une journée d’été en Méditerranée, à la fois frais et crémeux.
Dix ans après la sortie de Premier Figuier, Olivia Giacobetti propose la version « Extrême » reprenant la thématique de base en l’intensifiant. Les notes de figue sont plus profondes et luxuriantes, enrichies de touches gourmandes comme la crème d’amande. Le bois de santal en note de fond ajoute une dimension crémeuse et chaleureuse, rendant cette version plus opulente.
- Philosykos de Diptyque : En 1996, Olivia Giacobetti réitère cet exercice pour la maison Dyptique. Sans doute l’un des parfums les plus iconiques à la figue, Philosykos eau de toilette capture magnifiquement l’essence de l’arbre tout entier – des feuilles verdoyantes au fruit charnu. Le résultat est un parfum boisé et vert qui évoque une journée d’été passée sous un figuier. Puis en 2012 la parfumeure crée l’eau de parfum qui accentue la force boisée du figuier avec une touche de cèdre blanc, éclipsant légèrement la saveur des fruits. Philosykos évoque un été au Mont Pélion, traversant un verger de figuiers sauvages, capturant la fraîcheur des feuilles, la douceur des figues et la profondeur de l’arbre.
- Un Jardin en Méditerranée de la maison Hermès : créé en 2003 par Jean-Claude Ellena. Des notes aquatiques et fraîches qui évoquent l’aspect marin de la Méditerranée puis arrivent des nuances boisées et vertes qui rappellent les arbres et la végétation luxuriante de la région. Les touches florales et fruitées reflètent la diversité des jardins méditerranéens. Un parfum à la fois léger et complexe, reflet d’un jardin en bord de mer.
- Ninfeo Mio de Goutal, créé en 2010 par Camille Goutal et Isabelle Doyen. La note dominante de feuille de figuier, fraîche et verte, évoque les arbres ombragés du jardin. Les agrumes en tête rappellent l’énergie pétillante de l’aube, tandis que les notes plus profondes en fond transmettent le mystère et la profondeur des ruines antiques. Ninfeo Mio est une ode à la nature, à l’histoire et à la beauté, capturant l’essence du jardin de Ninfa dans une bouteille.
- Womanity de Thierry Mugler : créé en 2010 par Alexis Dadier et Ralf Schwieger. Bien que ce ne soit pas une fragrance centrée exclusivement sur la figue, Womanity mérite d’être mentionné pour son utilisation audacieuse de la note de figue en combinaison avec une note “caviar”.. Ce mélange étonnant crée un parfum sucré-salé qui est à la fois intrigant et moderne.
- Fig Infusion de Essential Parfums : créé en 2022 par Nathalie Lorson. Nathalie Lorson a créé un parfum fruité avec une note figue réaliste, rehaussée par une mandarine italienne. Ce parfum s’harmonise avec un cœur floral de fleur d’oranger et d’arômes de thé noir du Sri Lanka. L’ensemble est complété par un mélange boisé de cèdre de Virginie et de santal onctueux. La note baumée du benjoin offre une touche raffinée et cocooning.
La figue, avec sa richesse olfactive et ses nuances allant de la verdure croquante de sa feuille au sucre crémeux de son fruit, a longtemps captivé l’imaginaire des parfumeurs. Son histoire, profondément enracinée dans les civilisations anciennes, témoigne de sa place centrale dans la culture, la religion et la gastronomie.
Une chose est certaine : la figue en parfumerie est bien plus qu’une simple note. Elle est une invitation à voyager, à rêver et à se reconnecter à la nature. Et tandis que la parfumerie continue d’évoluer, nul doute que la figue, avec son héritage riche et sa polyvalence, continue d’inspirer les nouvelles générations de parfumeurs à la recherche du prochain grand classique.
Entraînez vous à reconnaître les différentes odeurs et pourquoi ne pas essayer de reproduire les facettes de la figue grâce aux crayons parfumés du livre-jeu olfactif Master Parfums !
C’est l’été indien, imaginez-vous sur la terrasse d’une plage de Méditerranée, cocktail délicat à la main, musique electro-groovy en fond, regardant le soleil décliner à l’horizon, ses derniers rayons caressant la mer. C’est cette sensation que procure Electro Limonade, une création olfactive de L’Orchestre Parfum. Elle nous emmène dans un voyage mémorable entre parfum et musique, grâce à la vision avant-gardiste de son fondateur, Pierre Guguen.
L’Orchestre Parfum, une marque avant-gardiste
Au cœur de la parfumerie contemporaine, un nom ressort par sa singularité et son approche innovante : L’Orchestre Parfum. Cette marque, née de l’ingéniosité et de la passion de Pierre Guguen, transcende les limites traditionnelles de la parfumerie en créant une fusion captivante entre le parfum et la musique.
Pierre Guguen, l’architecte derrière cette vision unique, a toujours cru dans l’interaction profonde entre les sons et les odeurs. Captivé par la façon dont certaines odeurs peuvent évoquer des mélodies dans les esprits, et comment certaines musiques peuvent évoquer des souvenirs olfactifs précis. C’est ce qui jettera les bases de ce qui allait devenir une formidable aventure entrepreneuriale.
En fondant L’Orchestre Parfum, Pierre Guguen n’a pas simplement cherché à produire des fragrances exceptionnelles ; il a voulu que chaque parfum soit une composition, une mélodie, un morceau d’art. Pour lui, un parfum n’est pas simplement une combinaison d’ingrédients ; c’est une partition olfactive, où chaque note, chaque accord a une résonance émotionnelle.
L’approche va au-delà du simple marketing ou du concept. C’est une conviction profonde que la musique et le parfum, bien que différents dans leur expression, ont le pouvoir unique de capturer l’essence de moments fugaces, de souvenirs et d’émotions. En les combinant, il a créé non seulement une nouvelle manière de percevoir le parfum, mais aussi une manière innovante d’expérimenter la musique.
La vision de Pierre Guguen est audacieuse et avant-gardiste. Il a réussi à bousculer le monde de la parfumerie en introduisant une dimension sonore à chaque parfum, offrant ainsi une expérience sensorielle riche et immersive. À travers L’Orchestre Parfum, le fondateur invite chacun de nous à fermer les yeux, à respirer profondément et à se laisser emporter par une symphonie d’odeurs et de sons, où chaque note est un voyage, chaque parfum une mélodie.
La synesthésie : l’âme de l’Orchestre Parfum
La synesthésie est un phénomène neurologique rare et fascinant où la stimulation d’un sens entraîne automatiquement une expérience dans un autre sens.
L’Orchestre Parfum, avec sa philosophie avant-gardiste, est profondément inspiré par cette notion de synesthésie. En fait, la marque en fait son épicentre créatif. Chaque parfum est conçu non seulement pour évoquer une odeur, mais également pour susciter une expérience sonore, créant ainsi une mélodie olfactive qui parle à la fois à notre nez et à nos oreilles. Cette fusion de sens est à la fois audacieuse et innovante, repoussant les limites traditionnelles de la parfumerie.
Pierre Guguen a une compréhension profonde de la synesthésie.
Ces moments où une odeur évoque une mélodie ou une note musicale rappelle une senteur spécifique qui influence profondément sa vision pour L’Orchestre Parfum. Pour lui, il ne s’agissait pas seulement de créer un parfum, mais une symphonie multi-sensorielle.
La marque s’est ainsi associée à des musiciens talentueux pour composer des morceaux spécifiques à chaque parfum, ajoutant une dimension sonore à l’expérience olfactive. Le porteur du parfum est invité à plonger dans un voyage où l’ouïe et l’odorat s’entrelacent, chaque note olfactive étant amplifiée par une note musicale, créant une harmonie parfaite.
L’Orchestre Parfum nous rappelle que nos sens ne fonctionnent pas en silos. Ils sont interconnectés, tissant ensemble nos expériences du monde qui nous entoure.
La synesthésie, avec sa fusion de perceptions, sert de métaphore parfaite à l’approche de L’Orchestre Parfum : une danse où la musique et la fragrance se mêlent, nous invitant à une expérience immersive et transcendante, bien au-delà de ce que la parfumerie traditionnelle a pu offrir jusqu’à présent.
L’approche musicale de NIID
Ce qui distingue L’Orchestre Parfum des autres marques, c’est cette fusion unique entre le monde olfactif et musical. En collaboration avec NIID, un duo musical innovant, L’Orchestre Parfum a réussi à définir un nouveau genre d’expérience. Chaque parfum est accompagné d’une pièce musicale, et ensemble, elles racontent une histoire, évoquent une émotion, transportent l’auditeur et le porteur du parfum dans un voyage plurisensoriel. En entendant les mélodies éclectiques de NIID, porté par un électro par 125 BPM, le parfum Electro Limonade prend une autre dimension, une autre profondeur, et l’expérience est tout simplement transcendante.
Nathalie Feisthauer, la magicienne derrière Electro Limonade
Il est rare de rencontrer un parfumeur avec le talent et la trajectoire de Nathalie Feisthauer. Sa renommée mondiale n’est pas usurpée. Ayant travaillé pour des maisons prestigieuses telles qu’Hermès et Cartier, Nathalie sait comment capturer l’essence même d’un moment, d’un sentiment. Lorsqu’elle s’est associée à L’Orchestre Parfum pour créer Electro Limonade, elle a apporté avec elle une expertise qui transcende la simple création olfactive. Chaque note, chaque nuance du parfum est le fruit d’une réflexion profonde, d’une recherche d’harmonie entre le parfum et la musique.
Parmi ses distinctions notables, elle a décroché le Russian FIFI Awards 2019 du meilleur parfumeur et s’est également vu décerner le Russian Fifi Awards 2021 du meilleur parfum de niche « Public Choice » pour la fragrance musicale Electro Limonade.
L’essence d’Electro Limonade
Créé en 2021, Electro Limonade est une eau de parfum rafraîchissante et pétillante. C’est une cologne hespéridée aromatique.
Un cocktail audacieux : Comme le twist inattendu d’un cocktail fusant, la menthe se joint à la fête, injectant une énergie espiègle dans une composition ultra pétillante de bergamote, clémentine et citron. Cette menthe « canaille » comme l’exprime la marque, loin d’être conventionnelle, rappelle la fraîcheur d’un cocktail chill-out siroté en terrasse le soleil couchant. Puis vient la rhubarbe, groovy par sa nature aigre-douce, qui crée un contraste fascinant entre les agrumes et la menthe, rappelant ces limonades innovantes qui marquent les esprits et les palais.
La nuit méditerranéenne : Alors que la fragrance se développe, elle nous entraîne dans l’intimité d’une nuit méditerranéenne. La fleur d’oranger abs, douce et opulente, évoque la sensualité des nuits d’été, lorsque les étoiles scintillent et que les beats electro-groovy nous emmènent dans une danse entre l’ombre et la lumière, la douceur et l’intensité d’un tempo infini.
L’aurore mystique : Au fur et à mesure que le parfum se dévoile, les notes de fond, telles les basses de ce groove electro, commencent à murmurer leurs secrets. Les bois ambrés évoquent le mystère et la profondeur, offrant une base solide et chaleureuse à la fragrance. L’encens, résineux et légèrement épicé, ajoute une aura mystique. Puis le vétiver d’Haïti, avec ses nuances fumées, ancre le parfum, garantissant qu’il reste gravé dans la mémoire de ceux qui croisent son sillage.
La mélodie olfactive d’Electro Limonade qu’offre Nathalie Feisthauer est un voyage au bout de la nuit, une aventure qui commence sous le soleil éclatant de la Méditerranée et se termine à l’aube d’une nouvelle journée. Elle est à la fois énergique et vibrante, portée par une musique électronique entrainante et évoquant des souvenirs de nuits infinies que NIID a parfaitement su traduire.
Conclusion
Electro Limonade est plus qu’un simple parfum ; c’est une œuvre d’art gratifié d’un Russian Fifi Award en 2021, un voyage, une symphonie pour les sens. En associant le génie de Nathalie Feisthauer à l’innovation musicale de NIID, Pierre Guguen a encore une fois réalisé sa vision d’une fusion parfaite entre notes de parfum et accords musicaux. Chaque spray d’Electro Limonade n’est pas seulement l’effusion d’une fragrance, c’est aussi le début d’une mélodie, d’une histoire, d’une aventure. De quoi faire durer l’été…
Crédits photos bannière de couverture : L’Orchestre Parfum
Ohé, ohé, c’est la rentrée ! Pour beaucoup, les vacances s’achèvent. Peut-être vous apprêtez-vous à retourner derrière un bureau et à retrouver les responsabilités du monde du travail… Pas si vite. Master Parfums vous propose de retomber en enfance le temps d’un article autour des odeurs de l’école – celles qui ont le pouvoir de nous transporter dans une salle de classe, entre dictées et récrés.
Le crayon à papier
HB, B, 2B, on ne savait pas toujours ce que cela voulait dire, mais existe-t-il une fourniture plus classique que le crayon à papier ? Cet incontournable de nos trousses qui voit le jour à la fin du XVIIIe siècle est d’abord fait de bois de genévrier, puis de cèdre rouge. Aujourd’hui, c’est le cèdre à encens qui est majoritairement utilisé pour sa fabrication. Au bout de son corps en bois, il y a bien sûr sa mine grise composée de graphite et d’argile.
Pour évoquer la senteur boisée et doucement minérale du crayon à papier, rien de tel que le cèdre, donc… mais pas n’importe lequel, car tous ne se valent pas. Le cèdre de l’Atlas exhibe par exemple une facette cuirée, voire animale. Pas vraiment de quoi nous ramener derrière un pupitre. Non, la star, c’est le cèdre de Virginie ou cèdre rouge, dont les copeaux de bois sont distillés afin d’en extraire une riche huile essentielle. Les molécules de cédrol que cette huile renferme lui confèrent un aspect boisé vert, doux et sec à la fois.
Si le cèdre est devenu le chouchou de nombreuses familles olfactives grâce à son immense pouvoir de fixation des notes qu’il côtoie, placez-le dans un parfum boisé, et il rayonne véritablement, surtout au contact d’autres bois. Light Blue de Dolce & Gabbana et son bois de bambou, Tam Dao de Diptyque et son santal ou encore Super Cedar de Byredo où s’invite le vétiver sont quelques fragrances autour du cèdre ayant réussi à retrouver l’odeur d’un crayon à papier fraîchement taillé et prêt à être utilisé… ce qui nous amène au papier.
Le papier
Que ce soit dans un cahier à grands carreaux tout neuf, un roman lu avec réticence pendant l’été ou un manuel de seconde main, qui n’a jamais trouvé du réconfort dans l’odeur du papier ? Les effluves légèrement sucrées qui s’en dégagent et se renforcent avec le temps sont principalement dues à deux composants : la cellulose et la lignine.
En effet, les arbres sont majoritairement composés de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. Lorsqu’un bois est traité pour fabriquer de la pâte à papier, on en extrait la cellulose, mais on met les deux autres à la porte. La lignine peut notamment rendre le papier trop rigide et difficile à manipuler. Mais qu’à cela ne tienne, elle ne dit pas son dernier mot, car la séparation ne se fait jamais complètement : certaines de ses huiles essentielles s’accrochent à la cellulose, et ce sont elles qui font la signature olfactive des livres et cahiers qui rendaient rapidement nos cartables un peu trop lourds à porter.
La lignine, qui se contentait auparavant d’être un résidu des papeteries, est aujourd’hui utilisée en parfumerie, surtout pour synthétiser la vanilline et recréer la douce odeur des gousses de vanille plus rapidement et à moindre coût. Le papier contient aussi de l’acide acétique à la senteur vinaigrée, des aldéhydes rappelant l’herbe sèche, ou encore du benzaldéhyde, évoquant quant à lui l’amande amère. Avec le passage du temps, ces composants se dégradent… pour le plus grand bonheur de nos narines, car l’odeur du papier que nous aimons tant s’en trouve alors exacerbée !
La délicatesse poudrée d’Amande Persane de Roger & Gallet, de L’Eau d’Hiver des Éditions de Parfums Frédéric Malle ou peut-être de Vanille Exquise d’Annick Goutal vous plongeront ainsi le nez entre des pages blanches. Et si vous préférez l’odeur des pages jaunies par le temps, Old Books de la maison The Perfumer’s Story by Azzi recrée le côté plus boisé et résineux du papier vieillissant.
L’odeur d’un livre variera en fonction de son âge, donc, mais aussi du type de papier employé, de l’encre qui figure sur ses pages ainsi que de la colle utilisée pour les relier. En parlant de colle, de nombreuses d’entre elles se vantent aujourd’hui d’être sans parfum ; une aberration pour les anciens écoliers pour qui l’odeur de la colle Cléopâtre est une madeleine de Proust sans pareil. Retournons dans la trousse avec ce produit au bouchon orange et sa fameuse senteur d’amande aux accents chimiques.
La colle Cléopâtre
En 1930, Pierre Chamson fonde l’entreprise Cléopâtre et fabrique dans son appartement parisien une colle du même nom à base d’amidon de pomme de terre. Mais face à une concurrence parfois rude, il faut bien se réinventer. Ni une ni deux, le pot s’arme d’un petit pinceau et surtout, en 1934, de l’odeur d’amande qui fera son succès. La molécule qui livre la caractéristique odeur de la colle Cléopâtre est le benzaldéhyde mentionné plus haut, aussi appelé amandol, car on le retrouve dans l’essence d’amande amère. À l’époque, le but n’était pourtant pas de conférer une quelconque fragrance à la colle, seulement de faciliter le travail de sa texture et de pouvoir la conserver plus longtemps.
Dans la cologne Gentlewoman de Juliette Has A Gun, la colle Cléopâtre est ramenée à la vie par une amande intensifiée par de la fleur d’oranger et enveloppée d’ambroxan et de muscs. Doudou de Jean-Charles de Castelbajac revendique lui aussi la colle Cléopâtre comme inspiration. Sans surprise, il est l’union entre une amande verte, de la fleur d’oranger et de l’orange amère. Dans la même lignée, Serge Lutens livre avec Louve une amande épurée et poudrée.
Pot-pourri de senteurs scolaires
Il y a encore tant d’odeurs de la rentrée scolaire à redécouvrir ! Peut-être vous souvenez-vous d’avoir choisi avec enthousiasme la couleur de vos protège-cahiers à l’approche du mois de septembre… Le parfum qui en émane vient de résidus de chlorure de vinyle, un gaz toxique lorsqu’il est présent en grande quantité, ce qui n’est heureusement pas le cas dans les protège-cahiers – bonne nouvelle pour celles et ceux qui aimaient humer leur odeur éthérée.
L’encre de stylo-plume doit quant à elle son odeur à la faible dose de phénol qui y fait office de conservateur. Soupçonnée elle aussi d’avoir des effets nocifs à haute concentration, elle a prudemment été remplacée. Adieu, donc, à son odeur un poil cuirée évoquant quelquefois le champignon et même la tapenade. Le Messager de Courrèges, Téméraire de Givenchy, M/Mink de Byredo ou encore L’Eau Papier de Diptyque sont autant de fragrances faisant revivre l’encre qui finissait parfois plus sur nos doigts que sur nos feuilles. L’Eau Papier présente aussi un accord de vapeur de riz suggérant, vous l’aurez deviné, le papier. Mentionnons également Comme des Garçons 2, un parfum boisé mettant à l’honneur l’encre japonaise Sumi, l’accompagnant d’une ribambelle d’épices, d’encens et de cèdre.
Tentés de retrouver la senteur âpre et minérale de la craie sur un tableau noir ? Faites un tour du côté de Royal Bain de Caron ou de De Bachmakov par The Different Company.
Ce tour d’horizon de notes écolières vous a donné envie d’en apprendre plus sur la composition d’un parfum ? Avec ses 120 questions autour du fascinant univers de la parfumerie, le jeu Master Parfums a la solution, et ce n’est pas tout : avec ses crayons parfumés, ébaucher votre propre fragrance devient un jeu d’enfant !