Voici le monde captivant des parfums hespéridés, où la fraîcheur des agrumes se mêle à l’art subtil de la parfumerie. Cet article vous invite à un voyage olfactif à travers l’histoire, les ingrédients, et les techniques d’extraction qui définissent la famille des hespéridés. Découvrez les agrumes emblématiques comme la mandarine, le citron, et la bergamote, ainsi que des notes moins conventionnelles telles que le cédrat ou le yuzu. Nous explorerons également des parfums iconiques qui ont marqué cette catégorie, révélant comment les hespéridés continuent de captiver nos sens et d’enrichir l’univers de la parfumerie.
L’Histoire des Hespéridés : Un Voyage dans le Temps
Historiquement, les hespéridés étaient appréciés pour leurs propriétés rafraîchissantes et antiseptiques. Aujourd’hui, ils sont utilisés pour créer des parfums dynamiques et pétillants, souvent associés à des notes florales ou épicées pour une signature plus complexe.
Le jardin des Hespérides
La fascinante histoire des parfums hespéridés débute dans l’antiquité mythologique, s’étend à travers les siècles et continue d’influencer la parfumerie contemporaine.
La facette/famille olfactive des hespéridés tire son nom des Hespérides, nymphes de la mythologie grecque. Selon le mythe, ces nymphes gardaient le jardin précieux où poussaient les “pommes d’or”, offrant immortalité et fécondité aux dieux de l’Olympe et dont la description évoquait les oranges. Cette interprétation serait cependant un anachronisme car à cette époque, les agrumes n’existaient pas dans cette région! Il s’agirait peut-être du coing, traduction littérale du mot pomme d’or en grec. Néanmoins, cette idée des agrumes dans le jardins des Hespérides s’est ancrée d’autant plus que souvent décrit comme un paradis terrestre, ce jardin évoquait un monde de fraîcheur et de pureté, idées toujours associées aux agrumes dans la parfumerie.
L’essor des agrumes en Europe
Les agrumes sont originaires d’Asie du Sud-Est. Leur introduction en Europe, notamment grâce aux conquêtes et aux échanges commerciaux, a marqué un tournant. Les citrons, les oranges, et d’autres agrumes devinrent des ingrédients prisés pour leurs vertus médicinales, leurs propriétés rafraîchissantes et leur parfum vivifiant.
Au 17ème siècle, la fascination pour les agrumes s’intensifie en Europe. Les parfumeurs italiens, en particulier, commencèrent à expérimenter des associations d’huiles essentielles d’agrumes avec les herbes aromatiques des jardins des simples de l’époque. Ces expériences donnèrent naissance aux premières eaux de Cologne et à des parfums légers qui contrastaient avec les senteurs plus lourdes et opulentes de l’époque. Cette période marque le début de l’utilisation systématique des hespéridés en parfumerie.
L’âge d’or des hespéridés
L’âge d’or des hespéridés s’est étendu du 18ème au 19ème siècle. Durant cette période, les parfums hespéridés étaient au confluent de l’hygiène et du plaisir et, utilisés par la noblesse et la haute société, ils étaient synonymes de raffinement et d’élégance.
Matières Premières Phares : Les Agrumes au Cœur des Créations
Les hespéridés, avec leur essence captivante et rafraîchissante, se distinguent dans l’univers de la parfumerie grâce à des matières premières spécifiques : les agrumes. Ces fruits, véritables joyaux de la nature, sont au cœur des créations les plus emblématiques de cette facette/famille olfactive.
Variété des agrumes utilisés
Le citron: Symbole de fraîcheur, le citron offre une note pétillante mordante et légèrement acidulée, très prisée pour son éclat et sa vivacité.
L’orange : Avec ses nuances douces et fruitées, l’orange apporte une chaleur et une rondeur appréciées, particulièrement dans les compositions hespéridées douces.
La bergamote: Connu pour le parfum qu’il apporte au thé earl grey, elle est prisée pour sa subtile amertume et sa fraîcheur verte et florale. Cet agrume est un incontournable, apportant une touche élégante et raffinée.
La mandarine: Plus douce et légèrement sucrée, la mandarine enrichit les parfums hespéridés d’une facette joyeuse et ensoleillée.
Le pamplemousse : Son caractère à la fois amer et frais en fait une note de tête idéale pour des parfums dynamiques et modernes.
En plus des agrumes classiques comme le citron, l’orange et la bergamote, les fragrances hespéridées s’enrichissent grâce à l’utilisation de fruits moins conventionnels mais tout aussi captivants, tels que le cédrat, le yuzu et la bigarade. Chacun de ces agrumes apporte une dimension unique aux compositions parfumées.
Le cédrat : fruit ancien, il offre un parfum plus robuste et moins acide que le citron classique. Il possède des notes vertes et légèrement florales, qui apportent une complexité intéressante aux fragrances.
Le yuzu : Exotisme et fraîcheur. Originaire d’Asie de l’Est, le yuzu est célèbre pour son parfum unique, combinant des notes de pamplemousse, de mandarine et de citron vert. Il apporte une touche exotique et une fraîcheur piquante aux parfums.
La bigarade : ou orange amère sophistiquée, se distingue par ses notes fraîches et légèrement amères. Elle est souvent utilisée pour ajouter une dimension raffinée et un contraste intéressant dans les parfums hespéridés.
La limette: vive et verdoyante, ce petit agrume typique du Mexique possède une note qui rappelle un peu le coca-cola ou la key lime pie, dessert iconique de Floride.
Le combawa: aussi appelé kaffir lime, dont les feuilles sont prisées comme épices en Thaïlande et en Inde , il offre des facettes citronnelle, géranium et aldéhydées, propres et toniques.
Le calamansi ou calamondin:petit agrume des Philippines, vif et fusant, encore très très peu utilisé en parfumerie.
Le citron caviar: Petit agrume d’Océanie dont la pulpe se compose de petites billes croquantes rappelant le caviar. On l’appelle aussi « fingerlime » citron doigt), du fait de sa taille et sa forme allongée. (de 4 à 10 cm). Sa peau très fine qui peut être noire, verte, jaune ou rouge ne permet pas d’en extraire d’essence. C’est sa texture croquante et acidulée qui est reproduite en parfum.
Les intrus:
Un peu à part au royaume des hespéridés, on peut aussi parler de matières qui, bien qu’elles ne soient pas des agrumes, sont catégorisées dans cette facette. Elles sont souvent à mi-chemin de la facette hespéridée et de la facette verte.
La citronnelle: plante d’Asie bien connue pour ses qualités répulsives aux moustiques, on distille ses longues feuilles qui offrent une huile verte et citronnée.
Le lemongrass: souvent confondu avec la citronnelle, le lemongrass exhale des notes herbacées, citronnées et plus fruitées.
Le petit-grain: c’est l’huile essentielle obtenue par distillation des feuilles et rameaux du bigaradier (oranger amer). On les appelle aussi brouts. Il sont taillés au moment oú les fleurs donnent place Vert, hespéridés et croquant, il apporte de la joie aux notes de tête.
La verveine: connue pour ses vertus digestives, la verveine apporte sa fraîcheur citronnée et verte aux eaux de cologne.
Le gingembre: ici on flirte davantage avec la facette épicée. Fusant et vif, parfois légèrement savonneux, le gingembre apporte sa touche citronnée exotique et piquante.
Cultures et terroirs
Ces agrumes sont cultivés dans des terroirs spécifiques, souvent caractérisés par un climat méditerranéen. La qualité des fruits dépend largement de l’ensoleillement, de la nature du sol et du savoir-faire des cultivateurs. Les régions d’Italie, d’Espagne et certaines zones de l’Afrique du Nord sont réputées pour produire des agrumes de haute qualité pour la parfumerie.
Mode d’extraction : Capturer l’essence des agrumes
La quintessence des agrumes dans les parfums hespéridés repose sur des techniques d’extraction méticuleuses et précises, visant à capturer l’essence la plus pure de ces fruits.
L’expression à froid : La technique traditionnelle
Principe : L’expression à froid est la méthode la plus traditionnelle et la plus couramment utilisée pour extraire les huiles essentielles des agrumes.
Il existe 2 méthodes:
- Pelatrice: Après avoir été lavés , les fruits sont jetés dans une machine qui, en grattant la peau, libère l’huile contenue dans les poches oléifères du zeste. On sépare ensuite l’eau de l’huile essentielle à l’aide d’une centrifugeuse et d’un décanteur.
Cette méthode préserve la fraîcheur et l’intégrité des notes olfactives, capturant ainsi l’essence véritable du fruit que l’on pêle sans altération due à la chaleur.
- Sfuma Torchio: cette autre méthode consiste à broyer les fruits en entier avec leur jus avant de passer à la centrifugeuse. L’huile essentielle conjugue l’aspect gourmand du fruit à la vivacité du zeste.
Distillation à la vapeur : Une alternative délicate
Bien que moins fréquente pour les agrumes, la distillation à la vapeur est parfois utilisée, notamment pour le pamplemousse et la limette. Cette technique implique de passer de la vapeur à travers les matières premières pour en extraire les composés aromatiques. La distillation à la vapeur permet d’obtenir une essence plus douce et moins acide, offrant une alternative intéressante pour des notes plus subtiles.
Innovation et avancée technologique
Extraction par CO2 Supercritique : Cette technique moderne utilise le CO2 à l’état supercritique pour extraire les huiles essentielles. Elle permet d’obtenir des extraits très purs et concentrés, en capturant des facettes olfactives parfois perdues dans les méthodes traditionnelles.
Cette avancée technologique offre de nouvelles possibilités dans la création de parfums, permettant aux parfumeurs d’explorer des facettes inédites et de créer des compositions plus complexes et nuancées.
Références iconiques de parfums hespéridés
Plusieurs créations parfumées ont marqué l’histoire des hespéridés. Citons, par exemple, « Eau d’Orange Verte » d’Hermès, une référence classique, ou « Light Blue » de Dolce & Gabbana, qui combine agrumes et notes aquatiques pour un effet moderne.
L’Eau d’Orange Verte d’Hermès, a été créée en 1979 par Jean-Claude Ellena. C’est un classique intemporel, représentatif de la fraîcheur et de l’élégance, parfait pour une sensation de propreté et de vivacité. Cette fragrance s’ouvre sur une explosion vivifiante d’orange verte, offrant une fraîcheur intense et un départ pétillant. Le cœur révèle des nuances de menthe et de cassis, apportant une dimension verte et légèrement fruitée.
Enfin, le fond est composé de patchouli et de notes boisées, donnant au parfum une profondeur et une sophistication subtiles.
Light Blue de Dolce & Gabbana a été créé en 2001 par Olivier Cresp. Light Blue est une fragrance emblématique de l’été, connue pour sa légèreté et son caractère joyeux, idéale pour les jours ensoleillés.
En tête, le parfum éclate avec des notes fraîches de pomme Granny Smith et de citron de Sicile, créant un départ énergique et rafraîchissant.
Le cœur floral se compose de jasmin et de bambou, offrant une touche de douceur et d’élégance.
Les notes de bois blancs apportent une chaleur discrète et une sensation de propre.
Bigarade Concentrée de Frédéric Malle est créé en 2002 par Jean-Claude Ellena. C’est une fragrance minimaliste et raffinée, caractérisée par sa pureté et sa clarté, capturant l’essence de l’orange amère de manière unique et contemporaine.
La bigarade domine dès l’ouverture, offrant une fraîcheur hespéridée avec une pointe d’amertume distinctive. Le cœur est épuré, mettant en avant les aspects frais et légèrement épicés de la bigarade. La base est sobre, avec une touche de rose et de bois pour équilibrer l’amertume.
Mandarine Basilic de Guerlain est créé en 2007 par Marie Salamagne. C’est une fragrance dynamique et ensoleillée, parfaite pour ceux qui recherchent un parfum frais et naturel. L’alliance de la mandarine et du basilic crée une expérience olfactive unique, à la fois hespéridée et aromatique.
Dès l’ouverture, le parfum dévoile une explosion de mandarine, apportant une fraîcheur juteuse et pétillante caractéristique. La mandarine, avec son éclat hespéridé, donne immédiatement une sensation de vitalité et d’énergie.
Le basilic, ingrédient central de ce parfum, s’entremêle avec les notes d’agrumes, apportant une touche verte, légèrement épicée et aromatique. Cette association crée un contraste rafraîchissant et vivifiant, évoquant un jardin méditerranéen en plein été.
Puis des touches de thé vert et d’ambre ajoutent une dimension subtile et une profondeur au parfum. Le thé vert apporte une légère astringence, tandis que l’ambre offre une douce chaleur, équilibrant la fraîcheur des notes de tête et de cœur.
Escale à Porto Fino de Dior, créé en 2008 par François Demachy, fait partie de la collection « Les Escales de Dior ». est un parfum qui capture l’essence de la dolce vita italienne, avec ses notes hespéridées rafraîchissantes et ses accords floraux délicats.
Le parfum s’ouvre sur des notes hespéridées éclatantes, avec une prédominance de bergamote et de citron. Cette combinaison crée un départ frais et pétillant, évoquant l’énergie vivifiante de la côte méditerranéenne.
Au cœur, la fragrance dévoile un bouquet de fleurs blanches, avec un accent particulier sur la fleur d’oranger et le petit-grain. Ces notes florales apportent une touche de douceur et d’élégance, équilibrant la fraîcheur des agrumes.
Puis arrivent l’amande amère et le musc, offrant une finition douce et légèrement crémeuse. Cette combinaison confère au parfum une sensation de confort et de chaleur, tout en maintenant sa légèreté.
California Dream de Louis Vuitton, lancé en 2020, est une création de Jacques Cavallier qui célèbre la splendeur des couchers de soleil californiens.
La note de tête est dominée par la mandarine, apportant une explosion juteuse et ensoleillée.
Juste derrière la mandarine, la poire ajoute une douceur fruitée et délicate. Cette note crée un équilibre parfait avec l’acidité de la mandarine, apportant une touche de rondeur et de suavité.
L’ambrette, avec ses nuances musquées et légèrement fruitées, offre une transition douce entre les notes fruitées de tête et le fond plus riche. Elle confère au parfum une sensation de flottement naturelle et de confort.
En fond, le benjoin se révèle avec ses facettes résineuses et légèrement vanillées. Cette note apporte une richesse et une profondeur au parfum, prolongeant la sensation de chaleur et de sérénité du coucher de soleil.
Les hespéridés ne sont pas seulement des parfums ; ils sont une expression de joie, de fraîcheur et de vitalité. De l’antiquité à nos jours, ces fragrances ont traversé les époques, se réinventant constamment tout en conservant leur essence intemporelle. Alors que nous achevons notre exploration des hespéridés, nous sommes laissés avec une question excitante : quel sera le prochain chapitre dans l’évolution de cette famille olfactive fascinante ? Avec les avancées continues en parfumerie et la créativité sans limite des parfumeurs, l’avenir des hespéridés promet d’être aussi lumineux et rafraîchissant que leur passé.
Il y a de fortes chances que la mention de l’Espagne fasse apparaître dans votre esprit plusieurs images : une plage baignée de soleil, un match de foot survolté, un Picasso ou un Goya, un film d’Almodóvar, sans doute aussi quelques tapas vous mettant l’eau à la bouche…
Le parfum est probablement bas dans la liste, voire carrément absent. Pourtant, l’Espagne exporte plus de fragrances qu’elle n’exporte d’huile d’olive, de vin et de chaussures, des secteurs pesant pourtant lourd dans son économie et tout autant dans son identité culturelle ! Par ailleurs, le pays ne se contente pas d’aimer le parfum, il en produit aussi. Master Parfums vous emmène donc sans plus attendre en voyage olfactif en terre espagnole.
Al-Ándalus : l’Espagne sous influence arabe, parfums inclus
Première étape : le Moyen Âge. Entre 711 et 1492, l’Espagne est al-Ándalus : de nombreux territoires de la péninsule ibérique se retrouvent successivement sous la domination de peuples Arabes, ce qui n’est pas sans conséquences sur la culture parfumée du pays. En effet, l’Islam entretient des liens étroits avec le parfum, ce dernier y étant vu comme un moyen de se purifier. Des parfumeurs arabes ne manquant pas de s’implanter sur le territoire, ils amènent avec eux leur expertise en matière d’alchimie.
Si c’est en Mésopotamie vers -3500 que l’on a retrouvé les premiers signes de l’usage d’alambic, ce sont les Arabes qui perfectionnent au Xème siècle l’utilisation de cet instrument servant à la distillation et qu’ils emploient dans le domaine scientifique pendant le Moyen Âge. L’utilisation de l’alambic se popularise en Europe au point de devenir l’ustensile standard pour réaliser des distillations – et l’Espagne est aux premières loges. En Andalousie, les villes de Grenade et de Séville deviennent des lieux de forte production de fragrances.
En somme, la diffusion du savoir-faire arabe lors de la période al-Ándalus marque un tournant dans la parfumerie espagnole, mais aussi dans celle de l’Occident tout entier. Lorsque la Renaissance frappe à la porte, l’Espagne est alors avec l’Italie un lieu privilégié de commerce, où marchands en tous genres font circuler leurs matières premières.
La Renaissance : les parfumeurs espagnols sur le devant de la scène
La Renaissance est elle aussi un terreau extrêmement fertile pour le développement de la parfumerie dans toute l’Europe. À cette époque, on se lave peu, et le parfum a surtout une fonction écran contre les mauvaises odeurs corporelles. Eh oui, à l’heure où la peste noire fait rage, on se méfie de l’eau, que l’on soupçonne être vectrice de maladies. Résultat : on assiste à une sorte de “règne de la crasse parfumée” !
Des explorateurs tels le génois Christophe Colomb au service des rois catalans espagnols, ou encore les Portugais Fernand de Magellan et Vasco de Gama rapportent de leurs voyages des matières premières encore peu connues en Europe. Cacao, vanille, tabac, des épices comme la cardamome ou le poivre font connaître un nouvel essor au monde de la parfumerie. Plus les arômes seront couvrants, mieux ce sera : on a besoin de camoufler ses effluves peu agréables avec des fragrances capiteuses à souhait. Et à l’époque, les grands parfumeurs sont principalement italiens… et espagnols ! Ayant hérité de l’érudition des conquérants arabes, les Espagnols ne sont plus en reste dans le monde olfactif.
Espagne et parfum aujourd’hui
On pourrait penser que le passé de l’Espagne sous domination arabe aurait débouché sur un pays friand de parfums entêtants, mêlant oud et résines sombres… C’est en fait tout le contraire ! Sans doute partiellement sous l’influence de son chaud climat méditerranéen, les notes hespéridées, toniques et légères, les eaux de Cologne et les parfums floraux tout en fraîcheur ont la cote. Si en France, il est fréquent d’employer familièrement le terme “parfum” alors que le produit dont on parle est peut-être une eau de toilette ou de Cologne, en Espagne, c’est plutôt le mot “colonia” que vous entendrez être utilisé à toutes les sauces !
En plus d’être aujourd’hui le deuxième exportateur mondial de parfums, l’Espagne est aussi le quatrième plus gros marché de l’Union Européenne dans le domaine parfumé. Parmi les fragrances les plus prisées, on trouve Eau de Rochas, Light Blue, Amor Amor, CK One, Coco Mademoiselle… mais aussi des fragrances venues tout droit d’Espagne comme le sont par exemple Aire ou Agua de Loewe ! Partons pour un petit tour d’horizon des grandes maisons de parfumerie hispaniques et de quelques figures notables de la parfumerie espagnole.
Touches de culture olfactive espagnole
Marques iconiques
Lorsque Javier Serra fonde la désormais mythique maison de parfumerie Dana en 1932, si classicisme et élégance en sont les maîtres-mots, séduction l’est tout autant. Serra donne au parfumeur Jean Carles un brief pour le moins étonnant : Jean Carles est chargé de composer “un parfum de pute.” Le résultat ? Un bal d’épices, de patchouli et d’œillet, intense à souhait. La collaboration entre Dana et Jean Carles, avec notamment la sortie en 1935 des fragrances Canoe et Emir, fera le succès de la marque.
Avant de fonder Dana, Javier Serra a déjà connu d’autres horizons parfumés : il a travaillé chez Myrurgia, une autre maison de parfumerie espagnole ayant su s’imposer dans le panorama olfactif du pays. Née en 1916, on compte parmi ses fragrances les plus notables l’eau de Cologne Maderas de Oriente (1918) aux bois surfant sur la mode de l’orientalisme, ou encore Maja (1917) dont la danseuse andalouse et pionnière de l’émancipation artistique féminine Carmen Tórtola Valencia fut l’égérie.
Impossible de ne pas mentionner également Heno de Pravia (1905), ce savon vert évoquant le blé et le foin de la maison Perfumería Gal. Alors que son créateur Salvador Echeandía Gal passe par Pravia dans la province des Asturies, il est frappé par les effluves vertes du foin fraîchement coupé et se met en tête de créer un produit dans lequel retrouver cette odeur. Le pari est réussi, et Heno de Pravia est aujourd’hui un point de repère olfactif en Espagne.
De la mode à la parfumerie
Loewe (à prononcer “louévé”) voit le jour en 1846 lorsque Heinrich Roessberg Loewe fonde à Madrid ce qui est au départ une maison de maroquinerie. C’est peu de dire que le succès sera au rendez-vous : en 1905, Loewe devient le fournisseur de la cour royale d’Espagne. Il faut attendre 1972 pour que la première fragrance de la marque soit lancée : L de Loewe, une eau de toilette verte, chyprée, renfermant un délicat cœur floral. Les sobrement nommées Aire, Solo ou encore Esencia deviennent par la suite très populaires auprès du public espagnol.
La maison travaille depuis 2018 avec sa propre parfumeure, Nuria Cruelles Borrull, à qui l’on doit notamment le surprenant Paula’s Ibiza (2020), une eau de toilette aquatique langoureuse, aux accents salés, ou encore le on ne peut plus poudré Earth (2022) dans lequel s’invitent une touche sucrée de poire et une truffe terreuse.
Gabrielle Chanel le surnommait “le métallurgiste de la mode” : il ne s’agit de nul autre que de Paco Rabanne. Alors qu’il est aujourd’hui un des grands couturiers les plus reconnus de notre époque, ses premiers pas dans la mode ne sont pourtant au départ qu’un moyen de financer ses études d’architecture aux beaux-arts de Paris !
Cuir fluorescent, robe en plaques d’or, sac en cotte de mailles… L’esthétique futuriste et l’extravagance revendiquée des créations de Rabanne font mouche. Son amour des matériaux métalliques et novateurs ne le quitte pas lorsqu’il lance en 1969 sa toute première fragrance, et pour cause : elle se nomme Calandre, du nom de la partie avant des voitures laissant passer l’air pour aérer le moteur.
Calandre est une eau de toilette se voulant l’alliée de l’émancipation de la femme dans laquelle se mêlent le froid et le chaud, une envolée d’aldéhydes conférant des tonalités métalliques à un cœur de rose et la profondeur boisée du santal et de la mousse de chêne.
On peut aussi citer Adolfo Domínguez et Angel Schlesser comme deux créateurs de mode à s’être aventurés dans l’univers de la parfumerie et à s’y être forgés un nom à l’international, avec cette fois-ci, des créations sobres et sophistiquées. Domínguez est d’ailleurs le tout premier styliste espagnol à avoir lancé une marque de parfums à son nom. Dans le lot également, Massimo Dutti : eh oui, malgré son nom italien, l’enseigne a été fondée à Barcelone en 1985 par le couturier espagnol Armando Lasauca !
Eaux de Cologne et nostalgie
S’il y a des pays dans lesquels l’idée de parfumer les plus petits fait hausser un sourcil interrogateur, en Espagne, c’est une pratique très démocratisée, et la Cologne NENUCONenuco occupe une place de choix dans ce moment quotidien de nombreux espagnols. Dans les années 30 et alors que l’Espagne connaît la dictature franquiste, Ramón Horta, un ingénieur barcelonais, se met à fabriquer chez lui cette Cologne construite sur un accord verveine-fleur d’oranger rappelant l’odeur toute douce de la peau des bébés. Elle a depuis traversé les générations, devant une véritable madeleine de Proust pour les plus grands !
Une autre eau de Cologne espagnole bien connue – cette fois-ci destinée à un public adulte – est l’Agua de Colonia Concentrada Álvarez Gómez et son caractéristique flacon jaune art déco, qui voient le jour en 1912. Citron d’Amalfi, lavande provençale et géranium espagnol provenant tous exclusivement de la Méditerranée constituent la formule inchangée de cette fragrance toujours commercialisée aujourd’hui.
Géant confirmé et étoiles montantes
Dans le monde de la mode, des cosmétiques, et bien sûr, du parfum, on ne présente plus la société catalane Puig (prononcez “poutch”). Créée en 1914 à Barcelone par Antonio Puig Castelló et destinée à l’importation et la distribution de fragrances et de produits de beauté, Puig a su se positionner en acteur de renom dans le milieu du luxe au cours du siècle qui a suivi.
À ses débuts, Puig est derrière Milady (1922), le tout premier rouge à lèvres à être produit en Espagne. Vient ensuite sa première fragrance en 1940, la désormais iconique Agua Lavanda Puig créé en période de guerre et de réduction des importations, elle a été élaborée uniquement avec des matières premières locales (lavande, lavandin, citron, romarin, …).
Société visionnaire animée par un fort désir d’expansion, Puig rachète au cours des années de nombreuses marques – nous venons de parler de bon nombre d’entre elles ! Perfumería Gal, Myrurgia, Heno de Pravia, Paco Rabanne, Adolfo Domínguez, Massimo Dutti… Ce n’est pas tout : , sous son ombrelle, Puig compte aussi Jean-Paul Gaultier, la latine Carolina Herrera, Nina Ricci, et des marques plus “niche” telles que Penhaligon’s, L’Artisan Parfumeur. Le groupe développe également les fragrances des marques Dries Von Noten, Christian Louboutin, depuis peu la suédoise Byredo, et a créé la collection des flacons galets de Comme des GarçonsVoilà en somme une ascension vertigineuse pour cette société encore dirigée par des membres de la famille Puig, et qui connaît aujourd’hui un rayonnement à l’international.
Ces dernières années, la parfumerie de niche espagnole brille elle aussi de plus en plus. La scène barcelonaise est particulièrement généreuse, les sensibilités de nombreux créateurs et créatrices s’y bousculant pour nous entraîner vers de nouveaux chemins olfactifs. Parmi les marques à suivre de près, il y a par exemple…
- Carner, aux fragrances d’inspiration méditerranéenne se voulant les ambassadrices de l’âme barcelonaise ;
- Ramón Monegal, maison éponyme d’un membre de la quatrième génération des créateurs de Myrurgia ;
- L’avant-gardisme sophistiqué de Santi Burgas, marque née dans un ancien entrepôt de séchage de riz !
- La plus bohème Genyum, dont les fragrances célèbrent les électrons libres que sont les artistes et les artisans ;
- Rosendo Mateu, maison lancée par le maître parfumeur du même nom, riche de décennies d’expérience chez Puig ;
- Bravanariz, qui cherche à encapsuler la beauté olfactive des paysages naturels, toute la richesse et la pureté de leurs arômes qui font s’éveiller nos sens.
Envie de prolonger ce voyage olfactif en terre ibérique ? C’est du côté du nouveau jeu de Master Parfums que ça se passe. Pocket Quiz : Le tour du monde en parfums est un jeu de 120 questions-réponses vous permettant d’en savoir plus sur la culture du parfum de différents pays, Espagne incluse ! Et si vous parlez espagnol ou que vous voulez réviser vos cours de lycée, le jeu est aussi disponible dans la langue de Cervantes !