Les odeurs de la rentrée scolaire
Ohé, ohé, c’est la rentrée ! Pour beaucoup, les vacances s’achèvent. Peut-être vous apprêtez-vous à retourner derrière un bureau et à retrouver les responsabilités du monde du travail… Pas si vite. Master Parfums vous propose de retomber en enfance le temps d’un article autour des odeurs de l’école – celles qui ont le pouvoir de nous transporter dans une salle de classe, entre dictées et récrés.
Le crayon à papier
HB, B, 2B, on ne savait pas toujours ce que cela voulait dire, mais existe-t-il une fourniture plus classique que le crayon à papier ? Cet incontournable de nos trousses qui voit le jour à la fin du XVIIIe siècle est d’abord fait de bois de genévrier, puis de cèdre rouge. Aujourd’hui, c’est le cèdre à encens qui est majoritairement utilisé pour sa fabrication. Au bout de son corps en bois, il y a bien sûr sa mine grise composée de graphite et d’argile.
Pour évoquer la senteur boisée et doucement minérale du crayon à papier, rien de tel que le cèdre, donc… mais pas n’importe lequel, car tous ne se valent pas. Le cèdre de l’Atlas exhibe par exemple une facette cuirée, voire animale. Pas vraiment de quoi nous ramener derrière un pupitre. Non, la star, c’est le cèdre de Virginie ou cèdre rouge, dont les copeaux de bois sont distillés afin d’en extraire une riche huile essentielle. Les molécules de cédrol que cette huile renferme lui confèrent un aspect boisé vert, doux et sec à la fois.
Si le cèdre est devenu le chouchou de nombreuses familles olfactives grâce à son immense pouvoir de fixation des notes qu’il côtoie, placez-le dans un parfum boisé, et il rayonne véritablement, surtout au contact d’autres bois. Light Blue de Dolce & Gabbana et son bois de bambou, Tam Dao de Diptyque et son santal ou encore Super Cedar de Byredo où s’invite le vétiver sont quelques fragrances autour du cèdre ayant réussi à retrouver l’odeur d’un crayon à papier fraîchement taillé et prêt à être utilisé… ce qui nous amène au papier.
Le papier
Que ce soit dans un cahier à grands carreaux tout neuf, un roman lu avec réticence pendant l’été ou un manuel de seconde main, qui n’a jamais trouvé du réconfort dans l’odeur du papier ? Les effluves légèrement sucrées qui s’en dégagent et se renforcent avec le temps sont principalement dues à deux composants : la cellulose et la lignine.
En effet, les arbres sont majoritairement composés de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. Lorsqu’un bois est traité pour fabriquer de la pâte à papier, on en extrait la cellulose, mais on met les deux autres à la porte. La lignine peut notamment rendre le papier trop rigide et difficile à manipuler. Mais qu’à cela ne tienne, elle ne dit pas son dernier mot, car la séparation ne se fait jamais complètement : certaines de ses huiles essentielles s’accrochent à la cellulose, et ce sont elles qui font la signature olfactive des livres et cahiers qui rendaient rapidement nos cartables un peu trop lourds à porter.
La lignine, qui se contentait auparavant d’être un résidu des papeteries, est aujourd’hui utilisée en parfumerie, surtout pour synthétiser la vanilline et recréer la douce odeur des gousses de vanille plus rapidement et à moindre coût. Le papier contient aussi de l’acide acétique à la senteur vinaigrée, des aldéhydes rappelant l’herbe sèche, ou encore du benzaldéhyde, évoquant quant à lui l’amande amère. Avec le passage du temps, ces composants se dégradent… pour le plus grand bonheur de nos narines, car l’odeur du papier que nous aimons tant s’en trouve alors exacerbée !
La délicatesse poudrée d’Amande Persane de Roger & Gallet, de L’Eau d’Hiver des Éditions de Parfums Frédéric Malle ou peut-être de Vanille Exquise d’Annick Goutal vous plongeront ainsi le nez entre des pages blanches. Et si vous préférez l’odeur des pages jaunies par le temps, Old Books de la maison The Perfumer’s Story by Azzi recrée le côté plus boisé et résineux du papier vieillissant.
L’odeur d’un livre variera en fonction de son âge, donc, mais aussi du type de papier employé, de l’encre qui figure sur ses pages ainsi que de la colle utilisée pour les relier. En parlant de colle, de nombreuses d’entre elles se vantent aujourd’hui d’être sans parfum ; une aberration pour les anciens écoliers pour qui l’odeur de la colle Cléopâtre est une madeleine de Proust sans pareil. Retournons dans la trousse avec ce produit au bouchon orange et sa fameuse senteur d’amande aux accents chimiques.
La colle Cléopâtre
En 1930, Pierre Chamson fonde l’entreprise Cléopâtre et fabrique dans son appartement parisien une colle du même nom à base d’amidon de pomme de terre. Mais face à une concurrence parfois rude, il faut bien se réinventer. Ni une ni deux, le pot s’arme d’un petit pinceau et surtout, en 1934, de l’odeur d’amande qui fera son succès. La molécule qui livre la caractéristique odeur de la colle Cléopâtre est le benzaldéhyde mentionné plus haut, aussi appelé amandol, car on le retrouve dans l’essence d’amande amère. À l’époque, le but n’était pourtant pas de conférer une quelconque fragrance à la colle, seulement de faciliter le travail de sa texture et de pouvoir la conserver plus longtemps.
Dans la cologne Gentlewoman de Juliette Has A Gun, la colle Cléopâtre est ramenée à la vie par une amande intensifiée par de la fleur d’oranger et enveloppée d’ambroxan et de muscs. Doudou de Jean-Charles de Castelbajac revendique lui aussi la colle Cléopâtre comme inspiration. Sans surprise, il est l’union entre une amande verte, de la fleur d’oranger et de l’orange amère. Dans la même lignée, Serge Lutens livre avec Louve une amande épurée et poudrée.
Pot-pourri de senteurs scolaires
Il y a encore tant d’odeurs de la rentrée scolaire à redécouvrir ! Peut-être vous souvenez-vous d’avoir choisi avec enthousiasme la couleur de vos protège-cahiers à l’approche du mois de septembre… Le parfum qui en émane vient de résidus de chlorure de vinyle, un gaz toxique lorsqu’il est présent en grande quantité, ce qui n’est heureusement pas le cas dans les protège-cahiers – bonne nouvelle pour celles et ceux qui aimaient humer leur odeur éthérée.
L’encre de stylo-plume doit quant à elle son odeur à la faible dose de phénol qui y fait office de conservateur. Soupçonnée elle aussi d’avoir des effets nocifs à haute concentration, elle a prudemment été remplacée. Adieu, donc, à son odeur un poil cuirée évoquant quelquefois le champignon et même la tapenade. Le Messager de Courrèges, Téméraire de Givenchy, M/Mink de Byredo ou encore L’Eau Papier de Diptyque sont autant de fragrances faisant revivre l’encre qui finissait parfois plus sur nos doigts que sur nos feuilles. L’Eau Papier présente aussi un accord de vapeur de riz suggérant, vous l’aurez deviné, le papier. Mentionnons également Comme des Garçons 2, un parfum boisé mettant à l’honneur l’encre japonaise Sumi, l’accompagnant d’une ribambelle d’épices, d’encens et de cèdre.
Tentés de retrouver la senteur âpre et minérale de la craie sur un tableau noir ? Faites un tour du côté de Royal Bain de Caron ou de De Bachmakov par The Different Company.
Ce tour d’horizon de notes écolières vous a donné envie d’en apprendre plus sur la composition d’un parfum ? Avec ses 120 questions autour du fascinant univers de la parfumerie, le jeu Master Parfums a la solution, et ce n’est pas tout : avec ses crayons parfumés, ébaucher votre propre fragrance devient un jeu d’enfant !