Les matières premières sont des ingrédients clés dans la composition des parfums, qu’elles soient naturelles, obtenues par diverses méthodes d’extraction, ou synthétiques. Le compositeur-parfumeur les sélectionne pour leurs qualités olfactives et les combine pour créer des fragrances uniques et durables.
Les matières premières naturelles végétales
Les matières premières naturelles en parfumerie sont des ingrédients obtenus à partir de végétaux.
Les plantes sont la première source des matières premières naturelles utilisées dans la composition des parfums : fleurs, tige, bois, fruits, feuilles, racines, graines… tout est utilisable et les méthodes d’extraction varient.
Les différents procédés d’extraction des matières premières naturelles
Diverses techniques sont utilisées pour capter de la meilleure façon l’essence de chaque matière.
- La distillation est la méthode la plus courante pour extraire les huiles essentielles des plantes. La distillation utilise la vapeur d’eau pour séparer les huiles des plantes. On obtient par décantation d’un côté l’huile essentielle ou essence, et de l’autre de l’eau de plante qui pourra être utilisée en cosmétique ou pour la cuisine (exemple : eau de rose, de fleur d’oranger…).
- L’expression à froid appelée “Pelatrice” consiste à presser à froid les zestes de fruits pour en extraire l’huile essentielle/essence. C’est la méthode la plus courante pour extraire l’huile des agrumes. L’expression dite Sfuma Torchio presse les fruits entiers et permet d’obtenir une huile essentielle / essence tout aussi zestée mais un peu plus gourmande.
- L’enfleurage est une technique ancestrale qui consiste à étaler des pétales de fleurs sur une plaque de graisse animale ou végétale qui va en absorber les molécules odorantes. Une fois saturée en odeur, on la filtre pour obtenir une pommade qui peut être utilisée telle quelle ou bien lavée à l’alcool et filtrée pour obtenir une essence pure appelée absolu. Cette méthode étant longue et très coûteuse, elle n’est pratiquement plus utilisée. Elle a été remplacée par…
- L’extraction aux solvants volatils. Les solvants tels que le benzène ou l’éthanol, ou l’hexane ont, comme la graisse, la propriété d’absorber les matières odorantes. Suivant la fragilité des ingrédients, elle peut se faire à chaud ou à froid. Cette technique est souvent utilisée pour extraire des matières premières qui sont difficiles à traiter par la distillation, comme les fleurs et les feuilles. Les végétaux sont placés dans un extracteur contenant un solvant qui circule plusieurs fois. Un fois saturé en odeur, on le fait évaporer afin d’obtenir une pâte très parfumée, appelée concrète (pour les fleurs) ou résinoïde (pour les matières sèches type racines ou mousses). Cette pâte est ensuite fondue et nettoyée à l’alcool pour obtenir une phase cireuse et l’autre alcoolique. On distille la phase alcoolique pour enlever l’alcool et on obtient ainsi un absolu.
- L’infusion, autre technique ancestrale, consiste à laisser des plantes macérer dans une huile ou de l’alcool pendant une période prolongée afin dissoudre les principes odorants et recupérer une teinture. Cette méthode est souvent utilisée pour extraire des matières premières à partir de racines, de résines et de bois.
- Le Headspace et le Nature print permettent de capturer l’odeur volatile d’une matière. En effet, une fleur que l’on coupe pour être distillée ou extraite par solvant n’aura pas l’odeur qu’elle peut émaner lorsqu’elle est encore en vie. (le parfum d’une essence de rose est très différent de celui d’une rose fraîche dans lequel on plongerait le nez.). C’est ce que cette technologie s’attèle à reproduire. On place au-dessus de la matière une cloche de verre par laquelle on fait passer un courant gazeux. Le gaz imprégné de matière odorante est absorbé par un filtre de carbone. Ce filtre est analysé grâce à un chromatographe et à un spectromètre de masse qui livreront la composition en molécules odorantes. Une fois la liste de molécules reconnues, elles pourront être reproduites afin d’obtenir un ACCORD reconstituant l’odeur de la matière fraîche extraite.
Pour le Nature print, au lieu d’une cloche, on utilise une seringue pour capturer les substances odorantes.
- L’Extraction au CO2 supercritique appelée aussi Softact, est la technique la plus récente. Le principe est de remplacer les solvants volatils par du CO2. Ce dernier a la particularité de se transformer de l’état gazeux à l’état « supercritique » (dense comme un liquide mais fluide comme un gaz) quand on le met sous pression (70bars) et à une température de 30ºC. Il a alors les mêmes propriétés qu’un solvant sans utiliser de températures hautes qui peuvent dénaturer les matières.
En plus d’être écologique ( le CO2 est recyclé) et respectueux de la matière, ce procédé innovant permet d’obtenir des extraits d’une qualité et d’une pureté exceptionnelles.
Chacune de ces techniques a ses avantages et ses inconvénients en termes de coût, de qualité et de quantité d’huile produite.
Les sourceurs de matières premières
Le métier de sourceur en parfumerie consiste à trouver et à fournir des matières premières de qualité pour les parfumeurs.
Cela consiste à établir des relations avec des fournisseurs de matières premières, à évaluer la qualité et la stabilité des matières premières, à négocier les prix et à garantir la conformité réglementaire des matières premières. Les sourceurs doivent également être en mesure de trouver des matières premières rares et difficiles à trouver pour les parfumeurs.
Les sourceurs ont une connaissance approfondie des matières premières en parfumerie, ainsi que des processus d’extraction et de transformation des matières premières. Ils doivent également être familiers avec les réglementations en matière de qualité et de sécurité pour les matières premières utilisées dans la parfumerie.
Un sourceur capable de travailler en étroite collaboration avec les parfumeurs pour comprendre leurs besoins en matières premières et pour les aider à trouver les ingrédients les plus appropriés pour leur projet.
En résumé, le métier de sourceur en parfumerie est un rôle clé pour les parfumeurs et les fabricants de parfums.
Les matières premières naturelles animales
Les matières premières d’origine animale sont utilisées pour leurs caractéristiques odorantes depuis des centaines d’années. Elles sont généralement utilisées comme fixateur, que l’on retrouve en notes de fond dans les compositions des parfums.
Le musc animal provient d’une sécrétion sexuelle produite par le chevrotin porte-musc ou daim musqué d’Himalaya mâle, pendant la période de rut. On le trouve dans une poche cachée sous le ventre de l’animal.
Obtenue généralement en abattant l’animal, l’utilisation de cette matière première est interdite depuis 1979.
La civette, ajoute une note animale, musquée à un parfum. Elle est obtenue à partir de la glande péri-anale de l’animal, un petit mammifère, sorte de petit chat sauvage, rencontré en Afrique (Ethiopie) et en Asie. La production de ce musc de civette implique souvent l’enfermement de civettes en captivité et la récolte régulière de leurs glandes, ce qui peut causer de la douleur et de l’inconfort pour les animaux.
Le castoréum est une sécrétion huileuse et odorante issue de glandes péri-anales du castor, lui servant à marquer son territoire et à imperméabiliser son pelage. Son odeur forte de prime abord, peut être douce, cuirée et suave lorsqu’elle est traitée. Cette matière première très prisée implique souvent la chasse au castor pour obtenir cette substance, ce qui cause, au même titre que le musc et la civette, des préoccupations éthiques.
L’ambre gris est utilisé en parfumerie pour ajouter une note marine, animale, ambrée et tabacée à un parfum. Il s’agit d’une concrétion intestinale due à une irritation provoquée par les e mollusques mal digérés par l’animal. La baleine expulse naturellement cette substance par son système digestif.
Cette matière première va flotter sur la mer et au contact du soleil et du sel va sécher et finalement échouer sur les plages oú cette sorte de pierre cireuse sera récoltée. Il est généralement soumis à un processus de nettoyage et de purification pour éliminer les impuretés et obtenir une substance pure et utilisable en parfumerie.
En raison de sa rareté et de sa complexité de formation, l’ambre gris est précieux et donc très onéreux.
La cire d’abeille, également utilisée comme fixateur, apporte au parfum ses notes chaudes, rondes, miellées qui peuvent aussi exhaler des facettes cuir ou tabac.
La plupart de ces matières premières sont aujourd’hui controversées en raison de préoccupations éthiques et environnementales. Les alternatives synthétiques sont souvent utilisées pour remplacer ces ingrédients.
Les matières premières synthétiques
Les produits synthétiques, quant à eux, sont fabriqués en laboratoire à partir de molécules d’origine naturelle ou synthétique. Ils sont utilisés pour renforcer les fragrances naturelles, leur donner du relief, et pour imiter les arômes naturels difficiles à obtenir.
L’histoire des matières premières synthétiques en parfumerie remonte à la fin du XIXe siècle, lorsque pendant la révolution industrielle, les scientifiques français Paul Parquet et Georges Darzens ont commencé à synthétiser des molécules odorantes en laboratoire. Avant cela, les parfumeurs utilisaient exclusivement des matières premières naturelles pour créer des fragrances. Cependant, ces matières premières étaient coûteuses, rares et parfois difficiles à obtenir en quantité suffisante.
Le choix de la création de matières premières synthétiques s’inscrit également dans une dynamique d’innovation. Il ne s’agit pas seulement de reproduire des odeurs naturelles déjà existantes, mais aussi de créer de nouvelles odeurs rendant les parfums uniques.
Pour citer quelques exemples, c’est le cas des aldéhydes donnant une odeur métallique et savonneuse à la composition du parfum et permettant d’illuminer un bouquet. Utilisé pour la première fois dans Le parfumeur, Ernest Beaux ose l’utiliser pour la première fois en overdose dans le parfum N°5 de Chanel, une prouesse rendant le parfum unique et reconnaissable entre tous.
La vanilline utilisée par Jacques Guerlain, composant emblématique de Shalimar, et de sa guerlinade, donne des senteurs de vanille gourmande.
Kenzo pour Homme, créé par Christian Mathieu, a cette caractéristique d’intégrer la calone donnant cette senteur de fraîcheur marine, légèrement aqueuse au parfum.
Bien sûr, on pense à Angel de Mugler, créé par Olivier Cresp qui a la formidable idée d’ajouter de l’ethyl-maltol dans le parfum, avec ses notes addictives de barbe à papa, de caramel et de praline.
Au fil du temps, les matières premières synthétiques sont devenues de plus en plus populaires en parfumerie, puisqu’elles offrent une plus grande stabilité et une plus grande consistance dans les parfums, ainsi qu’un coût plus abordable par rapport aux matières premières naturelles, même si certaines peuvent être parfois très chères à développer.
Elles permettent également de reproduire les parfums de fleurs muettes (qui ne livrent pas leur essence: ex: muguet, lilas, pivoine…), des matières devenues interdites (matières animales, et substances allergènes).
Elles évitent aussi la surexploitation des sols et pallient les problèmes de production dûs à des catastrophes écologiques (incendies, inondations, sécheresse….) Et surtout, elles viennent enrichir la palette du parfumeur.
Les normes de sécurité de L’IFRA
L’IFRA (International Fragrance Association) est une organisation mondiale qui définit les normes de sécurité pour les matières premières en parfumerie. L’IFRA établit des restrictions sur l’utilisation de certaines matières premières en raison de leur potentielle nocivité pour la santé ou pour l’environnement.
Ces restrictions peuvent inclure des limites sur la quantité de matière première qui peut être utilisée dans un produit, des conditions d’utilisation spécifiques ou un interdit total sur l’utilisation de certaines matières premières. Les parfumeurs doivent suivre les normes de l’IFRA pour garantir la sécurité de leurs produits et leur conformité réglementaire.
Il est important de noter que les restrictions de l’IFRA ne sont pas obligatoires, mais les parfumeurs sont encouragés à les suivre pour garantir la sécurité de leurs produits et leur conformité aux réglementations en vigueur. Les parfumeurs peuvent également choisir de suivre des normes plus strictes que celles de l’IFRA pour garantir la sécurité de leurs produits.
Naturelle ou synthétique, chaque matière première ajoute une note distincte au parfum final et peut influencer la fragrance en fonction de la quantité utilisée. En fonction des modes, certaines matières premières sont plus prisées que d’autres. L’avènement des matières premières synthétiques donne une infinité de possibilité de compositions olfactives, pour notre plus grand bonheur !
Le métier de compositeur-parfumeur est avant tout celui d’un artiste d’une grande sensibilité, mais pas seulement. C’est également un technicien maîtrisant la chimie des molécules que compose une fragrance.
C’est l’alliance entre créativité, science et émotion au service d’un noble métier.
Comment devenir parfumeur ? Quel est le cursus de formation nécessaire ?
Master Parfums vous dit tout !
Artiste et technicien des fragrances
Le compositeur-parfumeur est un artiste, un créateur qui conçoit des fragrances tant pour élaborer des parfums de peau, que des parfums d’intérieur, d’arôme alimentaire ou de produits ménagers.
Il va dans un premier temps réfléchir à la structure de la composition du parfum et au choix des matières premières qui seront utilisées dans celui-ci. Le compositeur-parfumeur maîtrise l’art de la symbiose des molécules qui compose chaque matière première. Cette expertise s’accompagne inévitablement d’un esprit créatif dont la sensibilité mène à une alchimie unique.
Notons que le Parfumeur est communément appelé Nez. Terme assez simpliste et réducteur, puisque le métier ne se résume pas à une fonction sensorielle mais bien à la symbiose de multiples qualités et compétences intrinsèquement indissociables. En fait, tout comme l’oreille du musicien, son nez est avant tout un outil de contrôle et d’apprentissage. Pour en savoir plus sur le métier de compositeur parfumeur, n’hésitez pas à jeter un œil à notre vidéo dédiée !
Les compétences du compositeur-parfumeur
Un odorat développé et une mémoire olfactive hors pair
Avoir un sens de l’odorat développé est un atout, et la capacité à mémoriser les odeurs est fondamentale et indispensable pour être Parfumeur. Il existe des centaines de matières premières de base qu’un parfumeur doit connaître par cœur, et donc être capable de les identifier en les sentant. Le parfumeur aguerri peut reconnaître non seulement une matière première, mais il peut également identifier son origine, son lieu de production, et le type de matériel utilisé pour son extraction!
Les plus grands parfumeurs peuvent mémoriser jusqu’à 3000 odeurs ! Pour devenir un expert, de longues années d’expérience et de formation sont nécessaires, néanmoins, le parfumeur se doit de s’exercer continuellement tout au long de sa vie professionnelle pour entretenir sa mémoire olfactive.
Un entraînement intensif des parfumeurs se traduit par une augmentation des zones cérébrales liées à l’olfaction (cortex piriforme et cortex orbito-frontal). Avec l’expertise, les parfumeurs développent une capacité élevée à manipuler mentalement des odeurs. Ils peuvent les sentir mentalement et imaginer ce que pourraient sentir différentes compositions. Ce sont ensuite les essais qui permettront au parfumeur de corroborer leur intuition et de peaufiner leur création.
Un sens artistique et de la créativité
Pour qu’un parfum touche la sensibilité du client, il est impératif de savoir développer une intelligence émotionnelle afin de proposer une expérience olfactive pertinente. Parfois l’objectif est de créer de la nouveauté, de l’originalité, d’aller chercher des matières premières insolites ou jamais utilisées permettant de proposer un parfum unique, tout en étant universel.
L’enjeu est délicat puisque le parfumeur ne doit pas se limiter à ses goûts personnels. Développer son sens artistique permet de rechercher sans cesse de nouvelles idées, parfois loin des préférences du parfumeur.
Devenir parfumeur est un métier qui prend du temps et la patience est un autre atout indispensable. Il doit constamment être en veille d’un point de vue socio-culturel pour s’assurer de toujours présenter des fragrances en symbiose avec les attentes des consommateurs.
Les compétences techniques du parfumeur
En général, de solides connaissances en chimie sont nécessaires pour maîtriser et manier les molécules des essences et autres absolues que composent les matières premières qu’elles soient naturelles ou synthétiques.
Pour les parfumeurs qui travaillent dans les maisons de composition (voir paragraphe plus bas), savoir travailler en équipe est une qualification également nécessaire. En effet, dans ces sociétés, le parfumeur ne développe pas le parfum seul devant son orgue à parfums. Toute une équipe composée du marketing, de l’évaluateur, des assistants, gravite autour et il est indispensable d’être à l’aise avec cet esprit de partage. Beaucoup de parfums sont aussi le fruit de l’alliance de plusieurs parfumeurs.
Etudes et formations pour devenir parfumeur
Il existe très peu d’écoles de parfumerie menant strictement à ce métier. Quelques maisons de compositions ont leur propre école interne (Givaudan, IFF, Firmenich) mais les entrées sont limitées et très sélectives.
On peut aussi devenir parfumeur par le biais de formations visant à acquérir des bases solides en chimie, créativité et marketing.
Outre les parfumeurs de parfumerie fine, ces écoles forment aussi des parfumeurs qui seront spécialisés dans la parfumerie fonctionnelle (cosmétique, savons, gel douche, shampoings, détergents), et les arômes alimentaires, ainsi que des évaluateurs.
L’ESP (École Supérieure du parfum) à Paris et à Grasse, propose des admissions en 1ère année post-bac sur dossier, ainsi qu’en 2ème année après une Licence 2 ou 3 en chimie, biologie, mathématiques…).
L‘ISIPCA ( Institut Supérieur International du Parfum, de la Cosmétique , et de l’Aromatique) situé à Versailles, propose diverses formations autour des métiers de la parfumerie post-bac ou plus.
Le GIP (Grasse Institute of Perfumery) offre diverses formations aussi à Grasse, et dans plusieurs autres villes du monde et en ligne
D’autres centres de créations et de formations en parfumerie comme Cinquième Sens proposent des formations complètes sur plusieurs modules.
The Perfumery Art School, créée par la parfumeure Isabelle Gellé, permet de se former online au métier de parfumeur indépendant en manipulant uniquement des matières premières naturelles. Une approche artistique de la parfumerie, sans nécessité d’une expertise en chimie.
En plus des diplômes et formations, l’expérience reste fondamentale. C’est en s’exerçant continuellement que le parfumeur parvient à devenir un expert reconnu dans le monde très fermé et sélectif de la parfumerie.
Parfumeurs célèbres et maisons de composition
Peu nombreux sont les parfumeurs qui ont l’avantage de créer des parfums, parfois des collections entières, au sein même de grandes maisons. On peut citer Mathilde Laurent pour Cartier, Christine Nagel, ayant pris la suite de Jean-Claude Ellena pour Hermès, Olivier Polge ayant pris la suite de son père Jacques Polge pour Chanel, ou encore Thierry Wasser pour Guerlain, Francis Kurkdjian ayant pris la suite de François Demanchy pour Dior.
La plupart des créateurs de parfums sont salariés dans des sociétés de composition et productrices de matières premières naturelles et synthétiques. Ce sont ces sociétés qui outre le sourcing des matières de parfumerie et la création de nouveaux accords, fournissent les services de composition de parfum aux différentes marques : Givaudan (anciennement Roure), IFF, Firmenich, Symrise, Mane, Robertet…
On trouve aussi aujourd’hui des sociétés ou agence de création de parfum uniquement dont les parfumeurs peuvent exprimer leurs talents pour des marques (souvent plus confidentielles) comme par exemple, Maelström, Flair, ou Accord et Parfums.
Notons aussi que la mise en avant des parfumeurs, qui jusque là étaient considérés comme des travailleurs de l’ombre, a été possible et démocratisée grâce à Frédéric Malle qui, en créant sa maison de parfum Les Editions Frédéric Malle en 2000, propose non seulement une collection de parfums d’une qualité reconnue, mais va aussi jusqu’à écrire le nom du parfumeur sur le flacon des fragrances pour donner encore plus de cachet à sa collection. La reconnaissance du Parfumeur est dorénavant officielle vis à vis du consommateur. La jeune marque Essential Parfums met aussi en avant sur ses flacons et étuis les créateurs de ses fragrances.
Par ailleurs, aujourd’hui de plus en plus de parfumeurs s’affranchissent des maisons de compositions pour devenir indépendant et proposer leurs services de création directement aux marques (souvent des marques dîtes de niche, plus confidentielles).
D’autres ont même créé leur propre marque oú ils peuvent exprimer leur art sans contrainte: Jean-Claude Ellena et sa fille Céline qui avaient lancé The Different Company, Akro par Olivier Cresp, Maison Jean-Michel Duriez, Parle-moi de parfum par Michel Almairac, Maison Francis Kurkdjian, Voyages Imaginaires par Isabelle Doyen et Camille Goutal, Pierre-Guillaume Parfums, Thierry Bernard et ses amis parfumeurs pour Parfumeurs du Monde…
Notre jeu olfactif Master Parfums rend hommage aux grands parfumeurs dans une série de questions qui vous plongent au cœur de l’histoire et de la culture parfum ! Découvrez-le juste ici.
Quelques parfums remarquables et leur créateurs
- Edouard Fléchier pour Dior : Poison (1985)
- Calice Becker pour Dior: J’adore (1999)
- Jean-Claude Ellena pour Hermès: Terre (2006)
- Olivier Cresp pour Mugler : Angel (1992)
- Alberto Morillas pour Kenzo : Flower by Kenzo (2000)
- Cécile Zarokian pour Amouage : Epic Woman (2009)
- Dominique Ropion pour Editions de parfums Frédéric Malle : Portrait of a Lady (2010)
- Maurice Roucel pour Editions de parfums Frédéric Malle: Musc Ravageur (2000)Bertrand Duchaufour pour L’Artisan Parfumeur : Séville à l’Aube (2012)
- Isabelle Doyen pour Naomi Goodsir : Nuit de Bakélite (2017)
- Patrice Revillard pour Jacques Fath : L’iris de Fath (2018)
- Philippe Paparella-Paris pour Memo : Sintra (2020)
La synesthésie est un phénomène neurologique assez rare où une stimulation d’un sens déclenche simultanément une connexion d’un autre sens. Certaines personnes peuvent voir des couleurs ou même des nombres associés à des sons ou à des odeurs. Mais comment se manifeste-elle ? Quel genre d’association de sens est connu des scientifiques ? Comment ce phénomène est-il vécu ?
Master Parfums vous dit tout.
La Synesthésie, phénomène peu connu
Syn [ensemble] – Aesthésis [sensation]
La synesthésie est une manifestation cognitive par laquelle une stimulation d’un sens déclenche une réponse simultanée d’un ou plusieurs autres sens.
Alors que presque tous les types d’associations sensorielles sont possibles, certaines formes sont plus courantes que d’autres.
Par exemple, certaines personnes peuvent voir des couleurs lorsqu’elles entendent des sons ou ressentir des textures lorsqu’elles perçoivent des couleurs. D’autres vivent une expérience gustative rien qu’à l’évocation d’un mot, et d’autres encore associent des couleurs aux lettres de l’alphabet et même aux chiffres… Pour certains, les informations sonores peuvent être perçues également par l’odorat, de sorte que la musique a une certaine odeur.
Vous l’avez compris, la synesthésie peut se manifester de différentes manières pour différentes personnes et peut varier en intensité selon les situations.
La recherche scientifique sur la synesthésie
Ce phénomène qui reste encore très mystérieux attire, dès le 19ème siècle, l’attention de la communauté scientifique. Une partie du problème avec la recherche sur la synesthésie est la façon dont les gens décrivent leurs expériences. Ce qui est intense pour les uns peut être modéré pour d’autres, et la dimension subjective de la description reste difficile à appréhender.
Tout ce que nous vivons existe sous la forme d’un schéma de « signaux chimico-électriques » circulant dans le cerveau. En règle générale, différentes zones du cerveau représentent différents types d’informations.
Le lobe occipital, par exemple, contient des informations sur la vision et une partie du lobe temporal contient des informations sur le son. La synesthésie peut être causée par une diaphonie* (*défaut de transmission ou restitution d’un signal) inhabituelle entre des régions cérébrales normalement séparées.
Bien que les scientifiques ne comprennent pas complètement les causes de ce phénomène, ils pensent qu’il peut venir d’une connexion particulière entre les régions du cerveau qui gèrent les différents sens. La synesthésie pourrait être héréditaire et peut varier en intensité chez différentes personnes.
Le discours autour de la synesthésie reste nuancé car malheureusement peu d’études traitent le sujet.
Bien qu’elle soit causée par des processus cognitifs, ce n’est généralement pas une gêne au quotidien.
Comment la synesthésie est-elle vécue ?
Les personnes qui vivent la synesthésie ne le réalisent pas immédiatement, puisque cela se produit la plupart du temps dans l’enfance, et ceci jusqu’à ce qu’elles découvrent que les autres n’ont pas la même expérience des perceptions. Il s’agit de « synesthésie développementale ».
La synesthésie peut être un don pour certaines personnes, mais elle peut aussi causer de la confusion ou de l’anxiété pour d’autres. Des synesthétes ont décrit leur association sensorielle comme étant envoûtante et enrichissante, ajoutant une dimension supplémentaire à leur perception de la vie.
En revanche, d’autres se sentent tellement différents qu’ils en ont peur, et leur vie sociale peut s’en voir perturbée.
C’est juste une façon différente de percevoir le monde, et il semblerait que les synesthétes soient plus créatifs.
Les scientifiques continuent de mener des études sur ce phénomène pour en comprendre davantage sur les fonctions du cerveau et la perception sensorielle humaine.
La synesthésie odeur-couleur-texture
La synesthésie associant odeur et couleur, et parfois une texture est un phénomène encore peu connu mais fascinant. Cette condition inhabituelle permet à certaines personnes de voir et d’associer des couleurs lorsqu’elles sentent des odeurs. Pour ces individus, dont je fais partie, chaque odeur a une couleur particulière associée, avec des variations nuancées par l’intensité et la profondeur, créant une expérience unique et très précise de l’environnement sensoriel.
En ce qui me concerne, je vois systématiquement une couleur lorsqu’un parfum, une odeur simple ou complexe est identifiée. Au fil du temps j’ai remarqué que ces couleurs étaient non seulement nuancées en intensité mais qu’elles avaient parfois une texture, rendant l’odeur encore plus concrète et plus précise.
Les odeurs que je vois vertes ne proviennent pas forcément d’éléments qui le sont.
Par exemple, en sentant une note de vétiver, c’est la couleur kaki qui s’impose. Mais en sentant une note de feuille ou de tige fraîche, je vois une texture satin de couleur argentée… Et comme je ne sais pas l’expliquer, je n’en fais que très rarement allusion.
C’est le même principe pour les parfums avec la complexité standard d’une pyramide olfactive.
Je verrai une couleur globale à l’ensemble du parfum, et il y aura des nuances de textures au fil de l’évolution de la fragrance. Évidemment j’essaie depuis quelques années de dissocier « mes » couleurs de celles provoquées par les biais cognitifs : la couleur du jus du parfum, celle du flacon, le storytelling, le logo de la marque etc.… qui pourrait modifier ou influencer mes propres perceptions. J’en suis consciente depuis plusieurs années et cela m’aide à prendre du recul sur la nature de ces connexions que je vis depuis toujours.
Cependant, l’inverse n’est pas vérifié : je ne perçois pas d’odeur en voyant une couleur, sauf si je me l’impose, mais naturellement il ne se passera rien.
Les scientifiques ne savent toujours pas exactement comment la synesthésie odeur-couleur est déclenchée, mais ils pensent que cela peut être dû à une connexion anormale entre les zones cérébrales responsables de l’odorat et de la vision. Cependant, il est important de noter que la synesthésie n’est pas une maladie ou une déficience. Au contraire, de nombreux synesthètes considèrent leur capacité à ressentir des couleurs avec des odeurs comme un don enrichissant.
La synesthésie et la mémoire
La synesthésie odeur-couleur peut également influencer la façon dont les synesthètes perçoivent et se rappellent des odeurs. Par exemple, une odeur qui est associée à une couleur particulière pourrait être plus facilement mémorisée et associée à un événement ou à une personne spécifique.
La mémoire olfactive ne joue plus sur un seul tableau, puisque d’autres sens viennent renforcer et faciliter l’apprentissage et la mémorisation grâce à cet atout mnémotechnique.
Cette expérience est évidemment très personnelle et subjective.
Néanmoins, il est important de noter que certaines couleurs sont souvent associées de façon universelle à des odeurs basiques telles que l’odeur de la lavande qui est souvent associée à sa couleur violette, tandis que l’odeur du citron est souvent associée à sa couleur jaune. Il ne s’agit pas ici de synesthésie mais plutôt d’un consensus tacite d’une société ou d’une culture donnée. On parle de mémoire collective.
La synesthésie dans la parfumerie
La marque L’Orchestre Parfum a développé une collection de parfums autour de la pluralité des sens, en associant une musique à chacune des fragrances. Une Playlist est mise à disposition, et pour chaque parfum il est proposé d’écouter un morceau de musique composé en s’inspirant de la fragrance
Pour en savoir plus, visionnez notre vidéo à ce sujet !
La construction d’un parfum repose sur une structure appelée la pyramide olfactive. Quelque soit la technique utilisée, la fabrication d’une fragrance est régie par cette pyramide. Le parfum évolue en plusieurs temps selon sa composition. Comment est pensé un parfum ? Quels sont les outils dont dispose le parfumeur pour mener à bien la construction du parfum ?
Les matières premières d’un parfum
Le parfumeur-compositeur va dans un premier temps réfléchir à la structure olfactive de sa création. Ce temps de réflexion permet d’écrire une formule ordonnée et cohérente avec des matières premières choisies en fonction de leur spécificité chimique, et qui devront s’accorder de façon harmonieuse pour arriver au résultat souhaité.
La sélection des matières premières est une étape décisive. Les ingrédients sélectionnés proviennent généralement du monde entier. Les parfumeurs construisent leur collection en choisissant parmi un grand nombre de matières premières provenant du monde végétal, ainsi que des matières synthétiques.
Pour les matières premières naturelles, ils font appel à des sourceurs, ces chercheurs d’odeurs qui parcourent le monde pour trouver les meilleurs producteurs et dénicher de nouvelles matières qui pourront enrichir la collection du parfumeur.
Dans le cas des matières synthétiques, ce sont des parfumeurs-chimistes qui leur proposent des compositions de synthèse qui apporteront de nouvelles nuances à leur palette. Les connaissances et le savoir-faire de ses parfumeurs-chimistes permettent de créer des notes nouvelles, inédites et originales, recherchées par les parfumeurs.
En moyenne, le parfumeur compositeur a à sa disposition environ 500 matières naturelles (fleurs, feuilles, écorces ou des résines, épices, zeste…) et 2500 matières de synthèse, certaines pouvant être très coûteuses.
On appelle l’ensemble de la collection de matières premières du parfumeur son orgue à parfums car généralement, il/elle dispose ses fioles sur les étagères d’un meuble-bureau, en demi-cercle, rappelant cet instrument de musique.
La pyramide olfactive
La formulation d’un parfum s’organise en fonction de la volatilité de se ingrédients selon le schéma de pyramide. C’est Jean Carles, talentueux parfumeur et grand pédagogue qui créa l’école de parfumeurs chez Roure dans les années 1940, qui mis au point le concept de pyramide olfactive, illustrant le développement du parfum en 3 temps : la tête, le coeur, et le fond.
Sa méthode empirique est depuis utilisée par les parfumeurs pour organiser la création du parfum.
Les notes de tête, les notes de coeur et les notes de fond forment ensemble la pyramide olfactive.
Si les 3 notes sont présentes lorsque l’on vaporise un parfum, les notes de tête correspondent aux odeurs que nous sentons en premier. Elles sont plus légère et s’évaporent au bout de quelques minutes pour faire place aux notes de cœur qui donnent la texture au parfum.
Les notes de fond sont la base sur laquelle la fragrance va évoluer.
Tout comme le peintre utilisera des couleurs plus claires pour donner de la lumière,d’autres plus sombres pour apporter de l’ombre et de la profondeur, le parfumeur usera des différentes intensités et de la persistance de ces matières pour donner du relief à ses parfums.
Notes de tête
C’est la tête qui donne la première impression du parfum.
Les notes de tête sont les plus volatiles et les plus légères , ce qui ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas être intenses! Elles se diffusent dès la vaporisation du parfum, grâce à l’alcool qui permet la diffusion du parfum, et elles s’estompent au bout de cinq à quinze minutes.
La tête est souvent constituée de notes fraîches et toniques telles que des essences d’agrumes, de lavande et herbes aromatiques ou des notes plus modernes comme le thé, ou les notes aquatiques.
Notes de cœur
On perçoit ces facettes dès les premiers instants et jusqu’à 3 à 5 heures ou plus en fonction des matières utilisées. Ce sont les notes qui constituent le corps du parfum, sa signature, et structurent le sillage du parfum. Elles déterminent également la famille olfactive des parfums : boisé, floral, ambré, etc.
La note de cœur donne le style du parfum et détermine son caractère. On y trouve les fleurs blanches, rosées, poudrées, des notes fruitées, épicées, et parfois certaines notes boisées.
Notes de fond
Ce sont les plus persistantes et les plus chaudes de la pyramide. Elles intensifient et fixent la note de cœur, permettant au parfum de durer dans le temps. Certaines notes de fond peuvent durer toute une journée sur la peau, et des jours voire des semaines sur les vêtements.
Profondes et intenses, elles représentent la base du parfum sur laquelle repose toute la structure. Avec les notes de cœur, elles forment l’essence même de la signature olfactive. On y retrouve des notes boisées, des notes gourmandes (comme la note moka), ambrées, balsamiques (résines), musquées poudrées et encore parfois des notes animales.
La construction du parfum
Finalement, nous ne déterminons pas la position olfactive des matières premières dans la pyramide olfactive, ce sont les propriétés et le poids des molécules olfactives de ces matières qui déterminent la vitesse à laquelle elles s’évaporent.
Lorsque les notes de tête sont importantes, le parfum sera plus frais et éphémère ce qui est le cas des eaux de Cologne. A contrario, si le parfumeur décide de mettre en avant les notes de cœurs et de fond, le parfum sera plus profond, opulent et persistant.
La composition d’un parfum repose sur l’harmonie que le parfumeur parvient à créer, grâce à un savoir-faire méticuleux en trouvant l’équilibre entre toutes ces molécules.
Devenir Parfumeur ne s’improvise pas, et les idées ne suffisent pas à créer un bon parfum. Il faut du génie et du talent pour créer un chef d’œuvre olfactif qui touchera le cœur de ceux qui le choisiront.
Pour en savoir plus, et surtout s’immerger dans le monde du parfum, le jeu Master Parfums combine apprentissage ludique et découvertes olfactives pour notamment mieux comprendre comment se construit et se crée un parfum.
Article collégial rédigé par Elfa Jouini & Anne-Laure Hennequin